Le marché de la machine-outil va moins mal en France qu’ailleurs

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Machines d'usinage Par Michel PECH Publié le  22/11/2019
Le marché de la machine-outil va moins mal en France qu’ailleurs

Paradoxalement, alors que la construction de machines-outils françaises n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été, c’est lorsque le marché mondial recule que le marché hexagonal montre le plus de résilience. En cette fin d’année 2019, c’est en tout cas le constat du Symop et du Cecimo, respectivement syndicat français et comité européen du secteur. Analyse.

Résultant de la fusion du Symap, syndicat des constructeurs français de machines-outils et d’équipements de production, avec le Symo, syndicat des importateurs de machines-outils et d’équipements de production, le Symop est devenu l’organisation professionnelle de tous les créateurs de solutions industrielles au début de ce siècle, réunissant constructeurs et importateurs. Constatant que les données publiques étaient insuffisantes pour le secteur, notamment en regard de ce qui se fait en Allemagne et en Italie, premiers pays européens constructeurs de MOCN (Machines-outils à commande numérique), le Symop a décidé de se doter d’un outil d’analyse économique récurent depuis 2013. Après 6 ans de recul, Machines Production en publie de larges extraits dans cet article, dont le tableau ci-contre donne les chiffres-clés.

Une position structurelle stabilisée sur le marché français

Le Symop est mandaté par l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) pour conduire des enquêtes de branche sur les principales productions qu’il regroupe. Le Symop suit donc de près les évolutions structurelles et conjoncturelles des marchés sur lesquels interviennent ses adhérents et met en place des indicateurs économiques dédiés. Ces études sont menées dans le respect du secret statistique. Les 270 entreprises membres du Symop fabriquent ou commercialisent des machines et technologies pour la production industrielle dans des secteurs d’activité transversaux et complémentaires, et leurs données transmises au Symop ne sont donc pas publiques. Au niveau européen, le Symop adhère au Cecimo, Comité européen des constructeurs de machines-outils.
Côté construction de machines-outils, la France se positionnait en 2018 au 6e rang des pays européens producteurs de machines-outils selon les chiffres du Cecimo. Avec 2,8 % de la production européenne, elle est derrière l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Espagne et l’Autriche. Au niveau mondial, notre pays se situait au 14e rang dans le classement établi par le rapport Gardner Research de 2016. Depuis, il semblerait que la construction hexagonale de machines-outils ait regagné deux places, en repassant devant le Royaume-Uni et la Turquie. Mais il faut dire qu’avec la République tchèque, moins d’un demi-point de part de production mondiale sépare ces quatre pays européens. On peut donc dire que rester entre la 12e et la 15e place comme constructeur mondial constitue une situation stable entre 2 et 3 % de part de marché. Le constructeur français type de machines-outils était en 2018 une entreprise d’une moyenne de 59 salariés avec un chiffre d’affaires de 14,4 millions d’euros et un actif de bilan de 11,6 millions. Le distributeur type de machines-outils correspond à une entreprise moyenne de 18 salariés avec un chiffre d’affaires de 10,6 millions d’euros et un actif de bilan de 6,7 millions.
Côté consommation, la France était le 3e pays européen consommateur de MO en 2017, avec 6,6 % du total des 16 milliards d’euros consommés cette année-là en Europe. La dynamique des secteurs aéronautique et automobile explique cette position récurrente depuis une dizaine d’années. Mieux, alors que les autres pays européens ont vu leurs commandes se contracter en 2018, le marché français s’est montré résilient, grâce à des commandes stables en valeur par rapport à 2017 (+0,9 %). Structurellement, le marché français de la machine-outil se montrerait donc plus constant que la majorité des pays européens, tant à la baisse qu’à la hausse.

Meilleure résilience dans une conjoncture plus incertaine

La consommation mondiale de machines-outils est évaluée par le Cecimo à presque 91,9 milliards de dollars en 2018, en hausse de 4,8 % par rapport à 2017. Malgré une baisse de 5,9 %, freinant sa consommation de machines à « seulement » 28,8 milliards de dollars, la Chine reste le premier marché-cible des constructeurs de machines-outils. En 2018, la consommation de machines-outils des 15 pays membres du Cecimo a atteint 17,7 milliards d’euros, en augmentation de 10 % par rapport à 2017. Néanmoins, la dynamique de croissance s’est nettement affaiblie fin 2018. Les constructeurs ont observé une altération de leurs carnets de commandes depuis la deuxième moitié de l’année, avec une accentuation sur 2019. Ainsi, les commandes reçues par les constructeurs allemands de machines-outils ont, elles, chuté de 25 % au 3e trimestre 2019, par rapport à la même période 2018. « La demande internationale continue à décroître, même si le niveau de cette baisse s’est stabilisé très récemment », constate le Dr Wilfried Schäfer, directeur exécutif du VDW, l’association des constructeurs germaniques de machines-outils. Jamais auparavant une telle décrue n’avait eu lieu dans ce secteur en Allemagne. Le retournement de conjoncture, joint aux inquiétudes sur le commerce international et aux incertitudes quant à l’avenir de l’automobile, premier client de la machine-outil, ont un effet cumulé particulièrement fort outre-Rhin.
Côté français, le marché de la consommation hexagonale était le 16e mondial, selon Gardner Research en 2015. Il a manifestement gagné des places depuis sur ses concurrents proches comme la Turquie ou la Suisse. Mais le parc machines montre une obsolescence encore prononcée par rapport à ses concurrents européens. C’est peut-être une chance pour les vendeurs de MOCN dans notre pays car, malgré un investissement soutenu ces dernières années, l’effort semble se poursuivre. Il faut dire que, face à une demande forte jusqu’en 2018, les entreprises françaises ont été confrontées à des difficultés de recrutement importantes. Elles savent que leur seule issue pour faire face à cette lacune consiste à poursuivre l’investissement en machines-outils et robotique. La forte baisse pénalisant les pays fortement exportateurs de machines comme l’Allemagne, touche aussi moins la France qui exporte relativement peu. La demande intérieure représente toujours au moins 50 % du chiffre d’affaires des constructeurs français et, pour le moment, cette demande reste stable.
Sur la toute fin du premier semestre 2019, les industriels en fourniture de biens d’équipements industriels signalent même au Symop une hausse modérée de leur production, avec le retour d’une amélioration du volume des commandes. Ainsi, en milieu de cette année, l’économie française de la mécanique industrielle se montrait toujours résiliente face au retournement conjoncturel en zone euro. La croissance reste tirée à court terme par la demande intérieure et la croissance à moyen terme dépendra de la capacité de l’appareil productif à satisfaire cette demande, ce qui exige un effort toujours soutenu d’investissement des entreprises. CQFD.

Les dix recommandations du CECIMO à la commission européenne

Les leviers économiques ne sont jamais à un paradoxe près pour fonctionner. Ainsi, le plan « made in China 2025 » annoncé par le président chinois Xi Jinping en 2015 a eu l’effet salutaire de réveiller les consciences industrielles des européens. Devant la menace d’un attrait croissant des plus hautes qualifications vers l’empire du Milieu, les plans se sont multipliés dans les pays occidentaux. Les pôles de compétitivité, l’Alliance de l’Industrie du Futur, les actions de Bpifrance, les objectifs sur le numérique, les compétences, l’exportation, l’apprentissage remettent ainsi l’église industrielle au milieu du village économique français. Et il semble bien que cet effort collectif ait déjà enrayé la chute industrielle de l’Hexagone, ce qui est une très bonne nouvelle.
Au niveau européen, le Cecimo vient d’adresser dix recommandations à la nouvelle commission européenne. Etant donné que Thierry Breton a été accepté comme commissaire désigné par la France, elles ont – peut-être – des chances d’être entendues. La première consiste à placer l’avenir de l’industrie européenne en première ligne de l’agenda du parlement européen durant le cycle 2019-2024, et d’appointer un vice-président à l’industrie dans la commission européenne pour suivre ce dossier (A quand un ministre de l’industrie à nouveau en France ?). Le second point recommande la poursuite des efforts concernant l’économie digitale et la politique industrielle de développement du secteur numérique. Egalement, le Cecimo recommande la mise en place d’une politique volontariste, et des fonds européens qui vont avec, pour encourager la transformation industrielle par l’augmentation des chaînes de valeur. La R&D, l’apprentissage, et les capacités de développement numériques doivent pouvoir bénéficier de toutes les formes d’incitations financières possibles, souhaite le Cecimo. Le 4e point demande une fermeté rigoureuse dans les relations avec les partenaires commerciaux de l’UE, impliquant une réciprocité des accords sans faille, notamment avec les Etats-Unis et la Chine. Le fossé entre les besoins de formation pour les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la fabrication additive, l’industrie 4.0, la digitalisation des entreprises doit également être rapidement comblé. Les points 6, 7 et 8 insistent sur la nécessité de piloter à nouveau les référentiels de standardisation pour le secteur manufacturier, d’assurer la protection des droits de propriétés industriels au plus haut niveau, et de réviser la législation européenne, notamment en ce qui concerne la « directive machine », afin de pouvoir intégrer plus rapidement les innovations technologiques dans la stratégie des entreprises industrielles européennes. Les points de conclusion demandent d’abord la sécurité pour les investissements industriels, en assurant un cadre législatif stable pour la compétitivité européenne, notamment en matière d’objectifs d’émission CO2. Selon le Cecimo, il convient enfin de simplifier la directive des travailleurs déplacés, notamment pour les PMI, pour favoriser leurs activités à court-terme. La liberté de déplacement et de services au sein de l’Europe communautaire doit être facilitée et garantie, selon les vœux du Cecimo, en conclusion de ces recommandations.

Une économie à longs termes

Au vu des éléments cités dans cet article en particulier et dans d’autres de la revue Machines Production en général, le marché de la machine-outil mondial est confronté à une rupture technologique, économique et écologique majeure. Pour les constructeurs français, elle peut entraîner une mutation égale à celle subie dans les années 1980, mais pourrait, cette fois-ci, être synonyme de redéploiement. La résilience du marché hexagonal est une chance et une opportunité à saisir pour préparer un avenir de la MOCN différent. Plus intelligente, dotée d’algorithmes d’apprentissage profond, connectée avec son environnement proche et lointain, automatisée et autonome, additive et soustractive, la machine-outil française peut profiter de compétences encore présentes et d’un savoir-faire à construire rapidement. La volonté des syndicats professionnels, des fédérations, des politiques, le travail collaboratif entre universités et industriels, utilisateurs et constructeurs, la reconquête du grand public par une industrie plus séduisante, donc de nouvelles vocations, peuvent être autant de facteurs conduisant au renouveau de la machine-outil française. C’est tout le bien qu’on lui souhaite. Rendez-vous dans dix ans.

Le marché de la machine-outil va moins mal en France qu’ailleurs
Michel PECHDepuis qu’il a arrêté de faire des copeaux, il n’arrête pas d’expliquer comment on les fait ! C’est un comble

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