Les promesses de l’usinage assisté par CO2 supercritique
Même s’il n’est pas encore question de le substituer aux huiles de coupe, l’usage du dioxyde de carbone à l’état liquide pour refroidir la zone d’usinage est étudié dans des laboratoires de l’institut Arts et Métiers.
C’est une nouvelle méthode de refroidissement et de lubrification plus respectueuse de l’environnement dans la zone d’usinage qui se cache derrière le projet ScCRYO2. Porté par l’institut Carnot ARTS, ce projet cherche à comprendre les phénomènes mécaniques, thermiques et tribologiques en jeu lors de l’usinage assisté par scCO2.
Mais qu’est-ce que le scCO2 ? Il s’agit du CO2 supercritique, c’est-à-dire du dioxyde de carbone à l’état liquide, connue pour ses « qualités solvantes », relève l’Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers (Ensam), dont quatre de ses laboratoires participent au projet, le LaBoMap de Cluny (matériaux et procédés), LIFSE de Paris (dynamique des fluides), Lampa d’Angers (usinage et tribologie) et l’I2M, avec l’appui du Centre technique des industries mécaniques (Cetim). Associant une capacité de refroidissement de l’outil et un accroissement de l’effet du lubrifiant, ce « super solvant vert » est apparu comme une alternative à l’utilisation des huiles industrielles.
Extraction du CO2 supercritique, quels avantages ?
C’est surtout des avantages en matière d’économie énergétique que l’on peut attendre de ce procédé de refroidissement. En effet, « 50 % de la consommation électrique de certaines machines étant dédiée exclusivement à l’alimentation de leur système de refroidissement, les économies d’énergie générées par l’utilisation d’une assistance au CO2 recyclé sont donc potentiellement considérables », prévient Frédéric Rossi, enseignant-chercheur au LaboMaP. « En cumulant cette économie avec la baisse des achats d’huile et les gains de temps liés à la suppression des opérations de nettoyage, par ailleurs très gourmandes en eau, on peut espérer de vrais gains de productivité qui suscitent l’intérêt de tous les industriels », affirme-t-il.
Il reste encore des verrous à lever
Quant à l’impact sur le process d’usinage, les spécialistes ont pu observer des « résultats très probants » dans les entreprises qui ont adopté le système, sans qu’ils sachent vraiment les expliquer. Tandis que pour certains usages, la solution s’est révélée « décevante ». Force est de constater qu’il reste encore des verrous à lever avant d’adopter ce nouveau mode de production : il est impératif de passer des aléas empiriques aux certitudes scientifiques, assurent les chercheurs. C’est d’ailleurs tout l’objet du projet de recherche ScCRYO2, initié en 2021 et qui devrait s’achever en 2026.
L’autre intérêt de l’usinage assisté par scCO2 est d’améliorer la durée de vie des outils et la qualité des pièces produites, tout en préservant l’environnement et la santé des opérateurs. Des stations de démonstration dénommées Venus permettent de « comparer sur plusieurs critères les différentes configurations d’assistance CO2 entre elles et/ou avec les pratiques d’usinage plus classiques afin de choisir les process les plus performants, en fonction des matériaux et des applications », explique Frédéric Rossi. Koffi Samuel Koulekpa, doctorant associé au projet, enchaîne : « Le premier modèle Vénus 1 nous a permis de réaliser des tests sans aucun lubrifiant ou avec un faible ajout d’huiles classiques. Avec les prochains démonstrateurs, nous comparerons plusieurs lubrifiants dissous dans le scCO2 et évaluerons leurs effets sur le procédé. »
Structurer une filière du CO2 supercritique
L’assistance cryogénique pourrait-elle se substituer totalement aux huiles de coupe ? Koffi Samuel Koulekpa ne le pense pas. « La solution est indéniablement appelée à se développer dans différents secteurs. » Et de pronostiquer : « Dans quelques années, ces solutions seront beaucoup plus répandues dans les usines produisant des pièces à forte valeur ajoutée mais les huiles ne seront pas totalement remplacées partout. » Une question se pose aussi, celle de « la structuration de la filière de valorisation du CO2 autour d’une véritable économie circulaire participant à la décarbonation », complète Frédéric Rossi.
Sur le site Internet de l’Ensam, qui consacre un large dossier sur le projet ScCRYO2, Hakim Cheniti, directeur Europe du développement commercial de Fusion Coolant Systems, dont la solution de production de ScCO2 a été développée à l’université du Michigan, aux Etats-Unis, explique que depuis 2016, son entreprise avait prouvé que « la cryogénisation scCO2 changeait les règles du jeu dans de nombreux secteurs, mais personne ne connaît encore vraiment les nouvelles règles du jeu ».
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