Global Industrie face aux enjeux internationaux

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Evénements Par Jérôme MEYRAND Publié le  24/11/2025
Global Industrie face aux enjeux internationaux
Lors de la conférence de présentation de l’édition 2026 du salon Global Industrie, au siège de Bpifrance à Paris, le 20 novembre.

L’édition 2026 du salon mettra en avant l’innovation française. Mais sans se voiler la face, il s’agit aussi de relever les défis de la concurrence chinoise : entre dépendances technologiques et stratégies de réindustrialisation européenne. C’était au cœur des échanges, lors de la présentation de ce 8e grand rendez-vous de l’industrie mécanique.


Pour cette édition 2026 de Global Industrie (du 30 mars au 2 avril à Villepinte), flottera comme un air de patriotisme. En effet, le fil rouge de ce rendez-vous incontournable de l’industrie mécanique sera la créativité et le made in France. Avec la participation de l’association qui a impulsé le label Origine France Garantie. Lors de la conférence de presse de présentation du salon, qui avait eu lieu au siège de Bpifrance le 20 novembre à Paris, son directeur général Sébastien Gillet s’est dit lui-même « bluffé » par « le nombre d’innovations françaises issues de l’industrie ». S’il sera question d’identifier les exposants qui fabriquent dans l’Hexagone, il n’agit non plus de s’enfermer dans un affichage « franco-français ». Car, rappelle M. Gillet, Global Industrie figure dans « le top trois ou quatre des salons européens, alors il ne faut pas non plus qu’on se ferme trop au monde ». Et de préciser : « Parce qu’il ne faut pas oublier qu’entre le bloc américain et chinois, l’Europe seule, c’est déjà dur, alors la France seule… »

Mais qu’en sera-t-il de la présence chinoise ? Car à écouter Nicolas Dufourq, directeur général de Bpifrance, qui revient de Chine justement, la menace est bien là. « Nous entrons dans la deuxième année de ce que j’appelle l’offensive chinoise 2.0 visant l’industrie européenne. »

« Ce n’est pas open bar »

Sébastien Gillet reconnait que le sujet est « très touchy ». Il y aura bien des exposants chinois, comme lors des précédentes éditions, mais « pas plus qu’en 2025 », promet-il, avant de glisser, « qu’en toute transparence, on pourrait en avoir beaucoup plus, mais on limite, ce n’est pas open bar, on construit les choses intelligemment.  L’objectif n’est pas d’écarter les Chinois parce que je crois qu’il y a un savoir-faire, mais on veut l’élite. Il ne s’agit pas seulement de voir des pavillons chinois se multiplier un peu partout, au risque de capter le savoir-faire ou les parts de marché de certains de nos exposants français ou industriels européens ».

Nicolas Dufourcq ajoute une touche rassurante à cette déferlante d’objets made in china. « On est aujourd’hui inondé d’images de robots humanoïdes chinois qui sont toutes aussi impressionnantes les unes que les autres. Si vous êtes sur les réseaux sociaux et que vous suivez ça, c’est chaque jour que vous voyez des nouvelles images d’humanoïdes qui sont de plus en plus humains, de plus en plus genrés, des hommes, des femmes, c’est absolument invraisemblable. Là-dedans, il y a de la techno, et dans cette techno, on pourrait se dire qu’il n’y a que de la techno chinoise. Finalement, il y a beaucoup de techno française dans les robots humanoïdes chinois, comme par exemples les microcontrôleurs de STMicroelectronics, STM32 qui sont fabriqués à Crolles [Isère]. »

La « mondialisation heureuse » est derrière nous

La Chine est également pointée du doigt par Christel Bories, présidente du groupe minier et métallurgique français Eramet, qui figurait parmi les intervenants de cette réunion de lancement du salon. En prenant le contrôle d’une large part des chaînes de valeur amont, notamment celles liées aux matières premières, Pékin a placé les autres pays dans une position de dépendance. « La Chine maîtrise aujourd’hui quasiment tout le raffinage des matières critiques dans le monde, c’est 70 % en moyenne », souligne la dirigeante. Les aimants permanents, très souvent utilisés dans l’industrie et riches en terres rares, l’Europe en importe 98 % de… Chine.

Ainsi, avec l’ère de la « mondialisation heureuse », notre Vieux Continent a créé des situations de dépendance. Sauf qu’aujourd’hui, le multilatéralisme est bel et bien terminé. « J’ai vu vraiment une accélération depuis l’arrivée de Trump, puisque lui utilise le rapport de force, condamne le multilatéralisme. Et cela a complètement désinhibé un certain nombre de chefs d’État africains [continent où le secteur minier est très présent] qui se disaient que peut-être, il fallait faire semblant de respecter un peu l’OMC [Organisation mondiale du commerce]. Ils se disent aujourd’hui, mais alors pourquoi je respecterais l’OMC ? Plus personne ne la respecte. La Chine ne l’a jamais respectée, l’Inde non plus, les États-Unis ne la respectent pas », analyse Christel Bories.

Batterie : « On a perdu la guerre »

Cette diplômée de HEC Paris note également la progression de la Chine en tant que puissance innovante. « On a une Chine qui, avant, copiait et faisait pas cher des produits de masse, pas toujours de très bonne qualité. Aujourd’hui, les Chinois ont beaucoup d’avance sur un certain nombre de technologies. » Et de dresser un constat inéluctable : « Sur la batterie, ils ont 20 ans d’avance et je considère qu’on a perdu la guerre, et que maintenant, il faut jouer autrement. Il faut que l’Europe cesse d’être naïve. »

Mais comment se dresser face à l’ogre chinois ? « Nous disposons d’une grande force : l’Europe, c’est 450 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat. Et cela constitue un atout majeur sur le marché mondial. Les gens ne peuvent pas se passer de l’Europe. Jouons cette carte-là. Et lorsque certaines technologies nous manquent ou que nous prenons du retard, exigeons du contenu produit localement, propose la patronne du groupe Eramet. Vous voulez accéder au marché européen ? Alors, venez produire chez nous 50-50 en joint-venture avec un transfert de technologies. Et c’est comme ça qu’on va monter en puissance. Les Chinois ont pratiqué cela, il y a 30 ans, sur le véhicule thermique. On doit le faire aujourd’hui, à notre tour, sur toute une série de produits. Ils ont besoin du marché européen. Le marché américain se ferme. Il faut absolument qu’on ne soit pas naïf sur le contenu local. »

« Il est temps de regarder le monde tel qu’il est »

Invité de la conférence Global Industrie, le ministre délégué chargé de l’industrie partage l’analyse de Mme Bories. « Il est temps de regarder le monde tel qu’il est, pas comme nous voudrions qu’il soit, affirme Sébastien Martin. Et j’étais très heureux de vous entendre parler de la question de la préférence locale », ajoute-t-il, en s’adressant à la présidente du groupe Eramet.

D’ailleurs, le nouveau ministre du gouvernement Lecornu II pointe un paradoxe : « Voulons-nous en France des usines qui ne seraient finalement que des sites d’assemblage de produits fabriqués en Chine, sans réelle valeur ajoutée ? Pour nous, c’est totalement inconcevable. Mais pour éviter cela, encore faut-il savoir se protéger. Et oui, ce processus prend du temps. » Et de poursuivre : « Mais que serait l’Europe si elle n’était demain qu’un grand supermarché, et pas une usine forte ? Parce que, si elle n’est pas une usine forte, elle n’a pas des consommateurs à fort pouvoir d’achat. Si elle n’est qu’un supermarché, elle n’a alors que des consommateurs à faible pouvoir d’achat. Et nous devons aussi collectivement sortir de cette logique du toujours moins cher qui, en fait, est une logique du toujours plus pauvre. Et assumer effectivement que la production locale ne veut pas forcément dire que cela sera plus cher et donc plus difficile pour le pouvoir d’achat. Parce que plus nous produirons localement, plus nous aurons de personnes qui travaillent dans l’industrie, plus nous aurons de valeurs ajoutées, et les salaires progresseront. »

« Affirmer que la France pouvait être un pays sans usines était une erreur »

C’est tout l’enjeu de la réindustrialisation. Sébastien Martin reconnait qu’on n’est qu’au début d’un « combat », car « on était un peu des Don Quichotte à se battre tout seul, et après, c’est Le Cid : on démarre à 500 et on finit à 3 000 en arrivant au port, on est plutôt comme ça maintenant », sourit-il. Et de souligner que la classe politique et la population partagent désormais le même consensus, avec « une adhésion globale et générale des Françaises et des Français à dire que les choix du passé étaient des erreurs. Affirmer que la France pouvait être un pays sans usines était une erreur et je l’assume ». Pour autant, le changement sera long, admet-il. Entre ambitions nationales et réalités mondiales, la réindustrialisation européenne reste un chantier de longue haleine que le salon Global Industrie illustre chaque année par l’innovation et le savoir-faire présentés sur ses stands.

Inoxtag inspire Global Industrie

Sébastien Gillet, directeur général de Global Industrie, nous explique pourquoi le salon, qui se tiendra du 30 mars au 2 avril à Paris, a choisi d’inviter Inoxtag, aux plus de huit millions d’abonnés sur YouTube. L’objectif ? Inspirer les jeunes et montrer que la combativité et l’audace, comme celles nécessaires pour gravir l’Everest (ce qu’il a fait), trouvent un écho dans l’industrie.

Pourquoi avez-vous souhaité inviter Inoxtag au prochain salon Global Industrie ?

Lors de l’édition 2025 de Global Industrie, notre mot d’ordre était ‘‘on ne lâche rien’’ et Inoxtag, avec son projet de gravir l’Everest, c’est bien quelqu’un qui a montré qu’il ne lâchait rien. Pour toucher les jeunes, il fallait quelqu’un qui dégage cette aura, maîtrise leurs codes et parle leur langage.

Faire venir ce youtubeur star n’était pas une simple affaire. Racontez-nous les coulisses ?

En effet, c’était compliqué de rentrer en contact avec Inoxtag. Vous imaginez bien que lui demander de venir sur un salon industriel c’est loin de ce qu’il a l’habitude de recevoir comme sollicitations, donc cela a pris un peu de temps. Il est passé au BIG [le grand rendez-vous business de Bpifrance qui s’est tenu à Paris le 23 septembre] et on a pu le rencontrer à ce moment-là, mais nous avions quand même déjà contacté son agent pour savoir si la présence d’Inoxtag pouvait être possible.

Quel est le lien entre son expérience personnelle et le monde industriel ?

L’idée est de trouver des passerelles entre ce que lui a vécu, que rien n’est impossible, que lui n’y croyait pas et qu’il a fini par réussir à gravir l’Everest. Et nous, on retrouve cette même combativité dans l’industrie.

Comment Inoxtag va-t-il s’immerger dans l’univers industriel lors du salon ?

Avant sa conférence, il prendra le temps de visiter le salon et d’échanger avec certains exposants pour mieux s’imprégner de l’industrie et comprendre concrètement son impact au quotidien. Lors de sa conférence, il partagera son parcours, ce qui amènera à démontrer qu’il est possible de créer des passerelles entre les jeunes et le monde industriel.

Quel impact son intervention a-t-elle eu sur le public rencontré au BIG ?

On a été bluffé. Car au BIG, nous avons vu de nombreux entrepreneurs, y compris des plus de 50 ans, venir l’écouter. Cela montre que ses messages ont un vrai impact et nous incitent à croire en des idées qui pouvaient sembler inconcevables auparavant, et Global Industrie en est la parfaite illustration.

Global Industrie face aux enjeux internationaux
Jérôme MEYRAND - Rédacteur en chefFormé aux microtechniques, devenu journaliste en blouse bleue, passé par l’ESJ Lille.

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