Dixi Polytool face au Covid-19

Décrite comme un état de guerre par le président français, la pandémie du coronavirus a touché le monde entier au mois de mars. Dans ces conditions, parler des trophées du salon Simodec paraissait bien dérisoire. La rédaction de Machines Production a donc préféré faire un point avec l’un des nominés sur l’impact social et économique de l’arrêt quasi général de son activité industrielle, en Suisse.

Avec trois sites de production en Suisse et un en Allemagne, plusieurs filiales commerciales à l’étranger, dont la principale est en France, le groupe Dixi Polytool est un acteur de premier plan dans la conception, la fabrication et la distribution d’outils carbure monoblocs et alésoirs de précision. Dans un confinement plus volontaire qu’obligatoire, les entreprises suisses très exportatrices témoignent à la fois de l’ampleur de la crise mondiale engendrée par la pandémie, ainsi que de la capacité de résilience des industriels helvètes. Entretien avec Marc Schuler, son directeur général.

A quelle situation économique êtes-vous confrontée, et quelles ont été les mesures prises par la Confédération helvétique suite à la pandémie ?

En moyenne, les commandes ont baissé de 60 à 65 % depuis la dernière semaine de mars. Pour notre filiale française, la baisse a été tout aussi abrupte, et avril devrait être pire encore. Seul un frémissement de reprise s’est fait sentir en Asie, depuis début avril. Heureusement, le gouvernement fédéral a pris des mesures très rapidement et avec efficacité. Le confinement n’est pas aussi strict qu’en France, mais l’on compte beaucoup sur la discipline et le civisme de la population pour enrayer la croissance de la pandémie. Notre culture faite de respect de l’autorité a permis d’éviter, à ce jour, un confinement plus rigoureux. La préparation plus que satisfaisante de nos hôpitaux a permis d’ailleurs d’accueillir des français infectés pour les soigner. Economiquement, les clients tentent de payer, pour l’instant encore, leurs fournisseurs plus ou moins normalement, et ceci est d’ailleurs capital pour permettre un flux monétaire utile à l’économie. Le chômage partiel a été déclenché immédiatement par le gouvernement fédéral. Un prêt garanti par la Confédération de 500 000 francs suisses sans intérêt est accordé immédiatement aux entreprises après une simple demande sur l’honneur. De plus, un crédit égal à 10 % du chiffre d’affaires des entreprises et également garanti par la Confédération à hauteur de 85 % avec un taux de 0,5 % accordé par les banques commerciales. Les 15 % restant de ces crédits sont accordés suivant des critères définis par les organismes bancaires, en fonction de la qualité des débiteurs. Ces décisions ont été prises en un temps record et appliquées avec une efficacité loin de toute bureaucratie.

Quels sont les impacts de la pandémie sur l’activité de Dixi Polytool ?

Dans nos ateliers du Locle et de la Neuveville, nous avons maintenu notre activité, mais les services R&D, vente et chef de produit n’ayant plus de possibilité de rendez-vous ont été mis en chômage partiel immédiatement, dès le début de la crise. Les services ayant du travail et pouvant assurer leur tâche en télétravail ont été amenés à le faire. La fabrication est en cours de réduction progressive. Dans un premier temps, le chômage partiel a été réservé aux employés nous ayant déclaré être plus particulièrement sensibles ou à risque à l’infection, ou avoir dans leur entourage proche quelqu’un de particulièrement sensible.
Ayant de toute façon l’obligation économique de baisser la voilure, ce critère a facilité nos choix initiaux. La production restante a été maintenue en répartissant également le personnel sur les postes du matin, de l’après-midi, de nuit et de week-end. Pour le personnel d’atelier actif, les précautions sanitaires ont été organisées pour éviter toute approche les uns des autres à moins de deux mètres. Pauses-café ayant à être prises individuellement, livraisons gratuites des repas par un traiteur sur trois lieux différents (pour ne créer aucun regroupement de monde), portes bloquées en position ouverte, désinfectants et masques (rares sont ceux qui désirent en porter), sont quelques exemples de ces mesures de distanciations sociales, en plus d’une transmission des consignes entre postes sans contact. Les chefs de flux ne se réunissent qu’à un maximum de cinq, dans un endroit ouvert et sur des places distantes tracées au sol. La société de nettoyage habituelle a été sollicitée doublement, afin de procéder régulièrement à la désinfection des locaux. La maintenance de nos machines, effectuée par des sociétés suisses de proximité, est faite de manière isolée. Après maintenance, les machines sont désinfectées et ne sont pas utilisées avant un délai de cinq heures. Cette capacité de travail avec un maximum de sécurité sanitaire va nous permettre de constituer des stocks de produits standards suffisants, afin de pouvoir concentrer toutes nos forces productives sur le spécial, lorsque le moment sera venu.

Quelles sont les premiers enseignements que vous tirez de cette période d’infection mondiale ?

Tout d’abord, l’organisation politique et sociale suisse prouve encore une fois son efficacité, tant du point des décisions fédérales que du respect des institutions et des règles de vie en société. La stabilité financière du pays est un atout supplémentaire en cas de difficulté majeure. Cela est rassurant pour notre industrie, aussi bien que pour notre secteur tertiaire et pour nos clients. Ensuite, la solidarité joue à plein dans les moments difficiles. Dixi Polytool a d’ailleurs profité de son appartenance au Swiss Business Center de Shanghai pour approvisionner la sécurité civile de Neuchâtel avec plus de 10 000 masques chirurgicaux. Enfin, notre organisation industrielle occidentale devra réfléchir à sa politique d’achat, à la logistique induite et aux conséquences économiques et écologiques que cela implique.