L’usinage concret pour éviter le décrochage

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Sous-traitance Par Jérôme MEYRAND Publié le  23/06/2025
des eleves école de production Gorge de Loup
Des élèves de l’école de production Gorge de Loup, dans l’atelier, avenue Sidoine Apollinaire, à Lyon, le 28 mai.

À Lyon, l’école de production Gorge de Loup forme des jeunes dès 15 ans aux métiers de l’usinage en produisant de vraies pièces pour des clients industriels. Une pédagogie ancrée dans le réel, porteuse de sens.


L’école de production de Gorge de Loup accueille chaque année une cinquantaine d’élèves, âgés de 15 à 18 ans, et ce, à travers une scolarité gratuite. Sa vocation ? « Accompagner ces jeunes à l’acquisition de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être relatifs aux métiers de l’usinage », décrit Wilfrid Aubert, le directeur de cette école fondée en 1950 par un prêtre, le Père André. Rappelons le principe des écoles de production : proposer une formation professionnelle concrète, ancrée dans les besoins réels des entreprises industrielles locales.

Au 105, avenue Sidoine Apollinaire, à Lyon, l’école, dont le nom est celui d’un quartier situé dans le 9ᵉ arrondissement de la ville, dispose d’un atelier de 1 117 m² où l’apprentissage repose principalement sur la pratique. « Cette approche pédagogique permet de produire des pièces mécaniques, et cela les deux tiers du temps de formation, pour une centaine de clients par an, des industriels français », précise M. Aubert.

Andréa Méar, ancien élève de l’école, est maître professionnel, c’est ainsi que sont désignés les enseignants en atelier. Ce trentenaire a accumulé une expérience de sept ans en mécanique industrielle en entreprises, avant de rejoindre l’école, en novembre 2022. « Ici, on produit aussi bien des pièces de fraisage que de tournage selon la demande client. Donc, ça peut être des flasques comme des arbres. » Wilfrid Aubert cite quelques exemples de pièces qui ont été produites : charnières de portes de sous-marins, bagues de fixation des masques à oxygène des pilotes de chasse, et autres éléments constitutifs de châssis de trains ferroviaires.

Pythagore, de la théorie à la pratique

« Dans notre école, chaque jeune perçoit le sens de ce qu’il fait et de ce qu’il apprend. Ainsi, nos élèves abordent les différentes techniques de l’usinage en produisant », insiste le directeur. Si les deux tiers du temps sont consacrés à la production réelle en atelier, le dernier tiers est dédié à l’enseignement général afin de permettre aux élèves l’obtention d’un CAP de conducteur d’installation de production (CIP) ou bac pro de technicien en réalisation de produits mécaniques (TRPM). « On essaie de mettre en application ce que les autres collègues font en cours théoriques afin de trouver un sens, explique Andréa Méar. Par exemple, en mathématiques, on a un peu plus poussé la trigonométrie, en mettant en application dans l’atelier ce que les élèves ont appris, afin pour qu’ils puissent avoir du concret, et qu’ils comprennent justement pourquoi on insiste avec Pythagore. Cela permet de mettre en corrélation la théorie avec la pratique pour que cela fasse sens. Il s’agit surtout de ne négliger aucune matière, car elles sont toutes importantes ; même l’anglais. Sur les machines, on a quand même des phrases en anglais qu’ils doivent savoir comprendre et interpréter. Certes, cela reste un anglais technique, mais il faut qu’ils soient capables de savoir ce que la machine leur raconte. »

Mettre en confiance les élèves

Un tel apprentissage, « faire pour apprendre », au sein des écoles de production, transmet aussi une vertu, mettre en confiance l’élève sur ses capacités, puisque les pièces ne seront pas ensuite mises dans un conteneur de recyclage, elles partiront bien chez le client. Ici, les pièces produites doivent respecter les mêmes exigences qu’en milieu industriel : qualité, précision, délai, traçabilité. C’est peut-être la raison pour laquelle la relation entre les élèves et leurs maîtres professionnels est aussi forte. « On est un peu comme leurs grands frères ou des aînés qui transmettent leurs savoir-faire, leurs expériences, des anciens qui transmettent aux nouveaux », analyse M. Méar. Toutefois, ce sont également des valeurs qui sont partagées par les « anciens ». « On leur transmet aussi un savoir-être, un savoir-vivre, une attitude professionnelle. Ne serait-ce qu’arriver à l’heure le matin, et pour certains, c’est déjà beaucoup, sourit-il. Donc, on fait la chasse à cette négligence, avoir aussi une tenue propre, une posture, un langage correct, c’est un ensemble. C’est une attitude professionnelle en plus d’un métier. »

Chaque élève qui sortira de l’école trouvera un travail. « On comptabilise entre huit et douze propositions d’emploi par élève inscrit en terminale », souligne Wilfrid Aubert. Les taux de réussite sont très proches des 100 %. Certains décident de poursuivre leurs études, souvent en apprentissage ou en alternance, pour continuer à se former tout en travaillant. Ce qui vient confirmer que les écoles de production répondent à un double enjeu : réussir et reprendre confiance tout en formant une main-d’œuvre qualifiée, prête à intégrer des secteurs industriels en tension.

Quand l’école devient cliente de ses anciens élèves

un eleve école de production Gorge de Loup

En entrant à l’école de production Gorge de Loup, à Lyon, l’élève est assuré de trouver un emploi.

Sur 74 années d’existence, l’école de production Gorge de Loup aura vu passer plus de 1 000 élèves. Parmi eux, Paul Rolland, le vice-président de l’établissement. Ce chef d’entreprise, aujourd’hui à la retraite, a été le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du Rhône, en 2012. Damien Gad est également un ancien élève. Aujourd’hui technico-commercial chez Jongen Uni-Mill, l’école est devenue un de ses clients. Par ailleurs, l’expert en outils coupants propose de mettre à disposition gratuitement des produits pour les tester en condition de production. « C’est très intéressant, parce que du coup nos élèves travaillent sur des outils spéciaux ou spécifiques », se réjouit Wilfrid Aubert, le directeur de l’école de production.

Des demi-journées techniques sont également organisées avec l’intervention de fournisseurs d’équipements de production, tels que Fanuc pour les robots, CMZ pour les machines-outils et Jongen pour les outils. Des matinées durant lesquelles les clients de l’école viennent participer. « Et ce sont les élèves qui les guident et les accompagnent pour qu’ils puissent découvrir notre école et leur savoir-faire qui est techniquement assez élevé », explique M. Aubert.

L’usinage concret pour éviter le décrochage
Jérôme MEYRAND - Rédacteur en chefFormé aux microtechniques, devenu journaliste en blouse bleue, passé par l’ESJ Lille.

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