Comment Mob a réussi à garder sa production en France

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Equipements (atelier) Par Jérôme MEYRAND Publié le  09/11/2023
Comment Mob a réussi à garder sa production en France
Thibaut Moulin, le PDG de Mob, au Chambon-Feugerolles, dans la Loire.

L’entreprise de forge spécialisée dans l’outillage à main n’a jamais cédé aux sirènes de la délocalisation. Et toutes les crises ont été affrontées avec brio. Ce qui n'a pas tué cette PME française l’a rendue plus forte.

Quand on est une entreprise industrielle centenaire et qui plus est fidèle à sa terre natale, il y a quelque part un parfum de fierté qui flotte dans les ateliers. De fierté, il en est également question, quand une énième crise n’est pas parvenue à ébranler son patrimoine génétique. De la pandémie de Covid-19 à la plus récente crise énergétique, le spécialiste de l’outillage à main Mob a même l’audace d’afficher, ces deux dernières années, une croissance de 15 %.

Alors quand le mot « réindustrialisation » se met à raisonner dans les couloirs du pouvoir politique, il y a de quoi redonner le sourire à Thibaut Moulin, PDG de cette entreprise familiale née en 1920, dans la Loire, à une époque où les marteaux-pilons tambourinaient le long du Gier. « Il y a 25 ans, il y avait environ 80 usines d’outillage à main en France. Aujourd’hui, nous devons être une vingtaine, c’est quatre fois moins, rappelle le dirigeant, dont l’entreprise a été créée par son arrière-grand-père. Nous avons résisté avec force à la vague de désindustrialisation qu’a connu la France sous la pression de la compétitivité asiatique. »

« Relever le défi de rester en France »

Alors que les plus récents discours politiques lui ont donné le sentiment que l’industrie française était redevenue « à la mode, dans l’air du temps », sur fond d’une indispensable « souveraineté industrielle et économique », Thibaut Moulin en profite pour rappeler que Mob a su « relever le défi de rester en France et en Europe », tout en conservant son statut familial. « Il y a un actionnariat de long terme avec une constance dans la vision et un ancrage territorial. Beaucoup de nos concurrents ont été rachetés par des entreprises étrangères », signale-t-il, depuis Le Chambon-Feugerolles, à 11 km de Saint-Etienne. En effet, l’entreprise est avant tout familiale. Et c’est sans doute l’une de ses forces. « Nous n’avons pas d’obligation de résultats. Notre seule obligation est d’assurer la pérennité de l’entreprise pour la cinquième génération », confie-t-il.

Conserver une production française, est-il un choix difficile ? A cette question, ce descendant de forgerons reconnaît que rien n’est simple. Mais sa ligne directrice de ne pas délocaliser l’entreprise a toujours été sa boussole. Car, « ce serait renoncer à ce que nous sommes, justifie-t-il. Notre ADN est de maintenir notre savoir-faire et nos emplois, et de les développer ».

Avoir confiance en son outillage

Pour cela, l’indispensable qualité du made in France a joué en la faveur de l’entreprise ligérienne. « Nous devons être une référence dans l’outillage pour la maintenance industrielle, et pour le justifier, nous devons jouer sur deux tableaux : la qualité et la notoriété. » En effet, un outillage de moindre qualité pourrait avoir une influence sur la réussite d’un dépannage ou d’une opération de maintenance. « Nous sommes dans un métier, où l’utilisateur doit avoir confiance en son outillage à main, assure le dirigeant. Et cela passe par la confiance qu’ils accordent à telle ou telle marque. »

La concurrence asiatique est féroce. « Nous avons des familles de produits qui sont vendus par les fabricants chinois moins chers que le prix de l’acier qu’il nous faut pour les produire », pointe-t-il, et de citer que rien que le coût de la chauffe de l’acier pour forger un outil empêcherait la PME française de vendre son outil au même tarif qu’en Chine. En choisissant de continuer à produire en France, Mob reconnait avoir pris de « gros risques ». Mais aujourd’hui, « nous avons le sentiment que la roue à tourner, et que nous allons être récompensés de nos années d’efforts ».

Mob ne travaille pas en direct avec les entreprises mais par le biais de distributeurs. Et depuis quelques années, l’étiquette du « fabriqué en France » semble être de retour dans les rayons. Mais au-delà de cette approche marketing, c’est également un argument de différenciation pour Mob, puisque le fabricant d’outillages à main reste l’un des rares acteurs tricolores à ne pas suivre le mouvement de produire en Chine.

Prix de l’énergie

Pour réussir cette farouche volonté de continuer à produire sur le sol français, Mob a su également innover dans l’automatisation de ses machines de production. Et ce n’était pas si facile. « Nous nous sommes heurtés à une de nos spécificités, celle de posséder une grande diversité de références d’outils. Et l’automatisation s’accorde assez mal quand on doit jongler avec plusieurs références de produits. Donc, il nous fallait une automatisation souple, ce qui est un peu antinomique », explique Thibaut Moulin. C’est la raison pour laquelle, la PME familiale a décidé de développer ses propres solutions d’automatisation, en créant en interne un bureau des méthodes et process. « Ce qui fait partie de nos forces, car nous acceptons de faire des petites et moyennes séries pour nos distributeurs », ajoute-t-il.

Aussi, la crise Covid a été « le déclencheur d’une prise de conscience : celle de l’importance de l’autonomie de la France, de sa souveraineté », admet le dirigeant, allant jusqu’à dire qu’elle aura contribué à « remettre sur le devant de la scène la nécessité d’une réindustrialisation ». Et l’outillage à main est, selon Thibaut Moulin, un élément de la chaîne industrielle indispensable. Pour preuve, « au moment de la crise du Covid, notre secteur a plongé beaucoup moins violemment que d’autres secteurs », a-t-il pu observer.

Le fabricant de marteaux et autres clés à molette a dû faire face à l’augmentation du prix de l’énergie, une inflation qui préoccupait Mob bien plus que celle des matières premières, « qui a toujours fluctué et qui s’est plutôt assagi », glisse son PDG.

« La crise a eu un effet vertueux »

Alors que le prix de l’électricité était « l’un des rares avantages concurrentiels de la France », la récente crise énergétique est venue rebattre les cartes chez les forgerons et autres industries énergivores. « Chez Mob, nous avons depuis longtemps misé sur l’électricité, explique M. Moulin. Pour deux raisons. D’abord, c’est un gage de qualité, parce que la chauffe par induction permet d’obtenir une plus grande précision de la température. Ensuite, la seconde raison est que dans les années 1990, nous avions déjà le sentiment qu’avec l’électricité, nous achetions français. Aujourd’hui, ce parti pris paie. »

Bien que cette énergie soit restée « une composante importante de notre coût de production », la crise « a eu un effet vertueux, elle nous a poussés à réfléchir davantage pour diminuer encore notre consommation d’énergie », analyse Thibaut Moulin. Désormais dans l’atelier de forge, on s’assure que la matière soit chauffée juste à temps et on regarde si un composant d’une machine ne peut pas être changé, pour consommer moins d’énergie. « Nous réfléchissons également beaucoup à la solution photoélectrique qui nous semble assez pertinente pour rendre notre production plus vertueuse », projette-t-il. Etre résilient est une seconde nature chez Mob.

Comment Mob a réussi à garder sa production en France
Jérôme MEYRAND - Rédacteur en chefFormé aux microtechniques, devenu journaliste en blouse bleue, passé par l’ESJ Lille.

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