ITER, c’est aussi un défi métrologique mondial
Quand Hexagon devient garant de la qualité dans la construction du plus grand tokamak au monde. Vecteur de précision, de fiabilité et de maîtrise du risque, la métrologie au sein du projet ITER dépasse le simple cadre du contrôle qualité : elle est essentielle à la réussite d’un chantier scientifique d’envergure mondiale.
Lancé en 2006 et en cours de construction à Cadarache, en France, depuis 2010, le projet ITER (pour International Thermonuclear Experimental Reactor mais aussi « la voie » en latin) affiche un objectif ambitieux : exploiter la puissance de la fusion nucléaire, la même source d’énergie qui alimente le soleil. Au cours de ce processus, des noyaux d’hydrogène entrent en collision et fusionnent pour donner naissance à des atomes d’hélium plus lourds et de considérables quantités d’énergie. Cette source d’énergie présente pour avantage d’être propre, non émettrice de CO2 et abondante.
ITER vise à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la production d’énergie par fusion à l’échelle industrielle, en reproduisant les conditions extrêmes nécessaires pour initier la réaction de fusion. Dans le soleil, ce sont les forces gravitationnelles qui créent ces conditions nécessaires. Dans le projet ITER, la fusion est obtenue en chauffant un mélange de deutérium et de tritium à des températures extrêmes, transformant le gaz en plasma, un état de la matière composé de particules chargées. Trois conditions doivent être réunies pour permettre la réaction de fusion : une température très élevée, une densité suffisante du plasma, et un temps de confinement prolongé. Celles-ci sont atteintes dans le tokamak, une chambre torique qui utilise des champs magnétiques puissants pour confiner le plasma. Alain Becoulet, directeur scientifique ITER, résume l’ampleur de cette vision : « Nous avons besoin d’une énergie plus propre, plus efficace et plus fiable que toute autre source. Pour y parvenir, nous créons un Soleil, ici, sur notre planète. »
Maîtriser la complexité dimensionnelle du tokamak
Le tokamak est au cœur du projet ITER. Cette structure massive de 28 mètres de long, 29 mètres de haut et 23 000 tonnes, la plus grande jamais construite, requiert une très haute précision d’assemblage. Dans ce contexte, la métrologie s’impose comme un élément central, garantissant la conformité des composants aux tolérances les plus strictes et assurant la fiabilité de l’assemblage global.
David Wilson, ingénieur métrologue à ITER, précise que « l’alignement des aimants exige une tolérance d’un millimètre, tandis que les interfaces de jonction des conducteurs nécessitent une précision de l’ordre de cent microns ». Béatrice Alix, coordinatrice métrologie et investigation à ITER, explique : « Chaque pièce doit s’intégrer parfaitement dans l’ensemble, quelle que soit son origine dans la chaîne d’approvisionnement. Les composants sont non seulement volumineux, mais aussi inédits et très coûteux. Il est donc absolument essentiel de réduire les risques de collision et de non-compatibilité dans le cadre du projet ITER. » Elle souligne : « Il serait impossible de construire ITER sans une métrologie extrêmement précise. »
Une implication internationale
Le programme ITER repose sur une collaboration internationale sans précédent, il mobilise actuellement les compétences techniques des 27 états membres de l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie, et les États-Unis. L’assemblage du tokamak implique une coordination étroite entre des sous-traitants répartis à travers le monde. Chaque composant doit s’intégrer de façon précise dans une structure d’une complexité exceptionnelle.

Le module sectoriel de 750 tonnes au cœur d’ITER.
L’architecture métrologique d’ITER repose sur un réseau de cibles de référence connu sous le nom de Tokamak Global Coordinate System. Ce système permet aux partenaires industriels de positionner les composants avec une précision submillimétrique, conformément aux exigences du modèle numérique. Ce niveau de précision est essentiel dans un contexte où plus d’un million de pièces doivent être assemblées selon des tolérances rigoureusement définies.
Hexagon : fournisseur principal d’instruments de métrologie pour ITER
Depuis 2020, Hexagon est le fournisseur de référence des systèmes de métrologie pour la phase d’assemblage du réacteur. L’équipe d’ITER utilise une large gamme d’équipements et de logiciels fournis par Hexagon pour couvrir l’ensemble des besoins métrologiques, de la mesure à grande échelle à l’inspection de proximité. Hexagon a également mobilisé des experts en métrologie pour assister les équipes sur le terrain.
Beatrice Alix poursuit : « Les équipements de métrologie Hexagon que nous utilisons englobent notamment des systèmes de palpage et de numérisation pour les grands volumes et des scanners portatifs pour des zones plus rapprochées des composants. »
Les interventions métrologiques couvrent notamment une assistance au transport et au positionnement de composants majeurs, comme la base du cryostat (1 350 tonnes), incluant la caractérisation dimensionnelle, la fiducialisation, c’est-à-dire le processus de définition de points de référence précis et stables dans l’espace pour permettre un positionnement fiable, pour les futurs alignements ainsi que l’ajustement final pendant les phases critiques.
Elles garantissent un alignement parfait des composants principaux du tokamak, dont les bobines de correction du fond, avec des opérations de numérisation, la modélisation « as-built », un ajustement virtuel et un positionnement optimisé selon les coordonnées cibles. Enfin, elles apportent une assistance à la réparation et à la requalification de composants sensibles tels que la cuve à vide, les protections thermiques ou encore les cryostats, avec la production de modèles de référence conformes à l’exécution et surveillance des déformations.
Les technologies de métrologie utilisées sur le site ITER
L’équipe d’ITER exploite une vaste gamme d’instruments et de logiciels de métrologie d’Hexagon, parmi lesquels se trouve le Leica Absolute Tracker AT960, un laser tracker tout-en-un, particulièrement adapté aux mesures dynamiques et à haute vitesse. Il permet le palpage à six degrés de liberté (6DoF), le scanning et l’inspection automatisée, ainsi que les mesures sur réflecteurs. Les équipes utilisent également l’Absolute Scanner AS1, un capteur de numérisation 3D haute performance qui permet la mesure sans contact avec une grande précision et une productivité élevée, même sur des géométries complexes. Le logiciel de métrologie 3D SpatialAnalyzer, conçu pour les environnements industriels de grande échelle, facilite l’analyse comparative entre les données de mesure et les modèles CAO, tout en assurant la traçabilité et la reproductibilité des opérations de contrôle.
Ces solutions fiables permettent aux équipes d’ITER d’effectuer des vérifications dimensionnelles en temps réel, de détecter les non-conformités dès les phases initiales de fabrication et d’assemblage, et de réduire significativement les risques techniques et financiers associés aux erreurs tardives. En effet, plus les non-conformités sont constatées tardivement, plus leur impact et leurs coûts seront élevés.
Selon Wandrille Vallet, vice-président et responsable des nouvelles industries chez Hexagon Manufacturing Intelligence, la qualité est un travail d’équipe ; avec l’approche d’Hexagon, le rôle de la métrologie fait évoluer la place de la qualité au sein de la chaîne de production. Elle s’intègre désormais au cœur du processus, en soutien aux équipes, plutôt qu’en contrôle final, souvent perçu comme une sanction. Alain Becoulet déclare quant à lui : « La qualité n’est pas juste un ‘‘plus’’, elle est absolument indispensable. »