» La confiance rapporte plus que le contrôle  »

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Matériaux - Produits finis Par Jérôme MEYRAND Publié le  31/10/2016
 » La confiance rapporte plus que le contrôle  »

A sa manière, il a libéré l'entreprise. L'ancien directeur de la fonderie Favi, dans la Somme, a pratiqué, de 1983 à 2009, un management qui repose essentiellement sur le bien-être au travail. A 72 ans, Jean-François Zobrist parcourt la France pour expliquer pourquoi il a supprimé les pointeuses pour gagner des points de cash-flow.


L’entreprise libérée, un business model ? Pour Jean-François Zobrist, qui a clôturé le salon Progiciels, qui se tenait le 5 octobre à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie), par une conférence donnée dans une salle pleine à craquer, cela ne fait aucun doute. Quand il est arrivé à la tête de la Fonderie et atelier du Vimeu Favi, en 1983, ce jeune directeur général, un BTS fonderie en poche, a supprimé le contrôle des employés pour tout miser sur la confiance. Et cela a marché. Depuis qu’il a quitté cette usine, implantée à Hallencourt (Somme), qui fabrique notamment des fourchettes de boîtes de vitesses, il parcourt la France pour démontrer que la transformation d’une organisation en entreprise dite agile a du sens.
Tout passe par l’homme. Dans chacune de ses conférences, Jean-François Zobrist ne cesse de le répéter :  » L’homme est bon.  » Quand il a débarqué à la fonderie, qui employait à l’époque 400 personnes, il est d’abord allé à la rencontre des salariés. Dans l’atelier.  » Je connaissais tous leurs hobbys « , dit le conférencier équipé d’un micro serre-tête, et portant toujours la même veste sans manche frappée du logo Favi.  » J’allais sur leur territoire. Je suis allé sur le terrain de l’autre « , poursuit-il. C’est en étant à l’écoute des opérateurs que, bien souvent, des solutions d’amélioration de la production ont été trouvées. Lors d’une de ses tournées quotidiennes,  » un ouvrier m’a dit : Ah ! M. Zobrist, j’ai pensé à un truc…  » Et de ponctuer d’un  » Et là, tu gagnes du fric !  »  » Je me suis obligé à innover en faisant mon tour de l’usine « , assure Jean-François Zobrist. Il a mis fin aux réunions du lundi matin, pour n’en organiser que lorsqu’il y avait un problème.  » Et à condition de mettre tout de suite une action en place.  »

Des mini-usines
En réorganisant l’atelier en petits îlots de production, le dirigeant a cherché à responsabiliser les opérateurs, notamment en les rendant autonomes. Il a fait installer un fax dans chacune des treize mini-usines, de manière à ce que les salariés puissent travailler directement avec le client, qu’ils doivent gérer  » de la réception de la commande jusqu’à la livraison « . C’est à ce moment-là, que des employés ont suggéré à leur patron qu’il fallait une personne qui coordonne l’organisation dans chaque îlot.  » L’idée d’avoir des leaders dans chaque îlot est venue des salariés eux-mêmes « , insiste M. Zobrist, qui s’est appuyé sur seulement trois indicateurs : le cash-flow mensuel, la marge par pièce, qui est calculée directement au sein de chaque mini-usine par les opérateurs aidés du commercial, et le nombre de pièces produites par heure payée par machine. Et un seul mot d’ordre :  » L’amour du client.  » Selon la règle de Jean-François Zobrist, toute procédure, structure ou document qui ne sert pas un client (et il englobe aussi la notion de client interne) est immédiatement supprimé.

Pas de RH
Pour l’ancien industriel, il n’est pas question d’entendre parler de ressources humaines.  » On prend l’homme comme une ressource ?  » s’interroge-t-il, le sourcil levé. Pour Zobrist, RH signifie d’abord  » Rendre Heureux « .  » Nous avons fait 20% de pièce en plus, seulement parce que les salariés sont heureux au travail « , assure-t-il. Celui qui affirme que le bien-être au travail passe par la liberté de s’auto-organiser, une chose est sûre :  » Un ouvrier heureux ça fait cinq points de cash-flow.  » Selon Jean-François Zobrist, le patron doit porter sa vision traduite en  » pourquoi  » auprès de l’opérateur, qui sait très bien  » comment faire « . Et d’insister encore une nouvelle fois.  » Laissez les gens faire le comment. Je n’ai jamais vu une action d’un ouvrier qui ne soit pas rentable.  »
Il s’excuse presque de n’avoir pas mis en place une stratégie préétablie en devenant directeur du site de production.  » Chez Favi, on n’a pas fait exprès. Je n’ai pas voulu expliquer aux ouvriers comment, mais plutôt pourquoi il est vital de faire dix pièces de plus à l’heure, par exemple. On a laissé les gens accéder au pourquoi. Le comment ? On le mesure par le cash-flow. La respiration de l’entreprise c’est l’argent. Ce que l’on va faire ensuite de cet argent, c’est autre chose.  »

Pas de prime mais une hausse de salaire
Lors de sa conférence, celui qui a mis fin aux places de parking réservées,  » sauf pour les clients « , a donné son point de vue sur les primes. Et de se rappeler le jour où il avait demandé à des ouvriers pourquoi ils fermaient les fenêtres de l’atelier, alors que la température à l’intérieur était déjà élevée. Il faisait cela pour  » pour toucher les primes de chaleur « , s’agace-t-il, en jetant un regard circulaire dans la salle.  » Une prime, c’est un os que l’on donne à un chien !  » Met en garde Zobrist.  » Un bon patron, ça fait des bons ouvriers et ça leur fout la paix !  » Alors que  » l’augmentation de salaire, c’est une preuve de confiance irréversible. La prime, ce n’est que du provisoire. Vous ne pouvez pas savoir comment une hausse de salaire peut booster la productivité.  »
Manager dans une entreprise libérée,  » c’est permettre à chaque personne de s’épanouir au travail. Faire en sorte que les choses se fassent toutes seules « , souligne l’ancien DG de Favi, qui a aujourd’hui 72 ans. Il définit le management comme étant  » la science des hommes par les hommes « .
Un autre fait marquant durant la période Zobrist (de 1983 à 2009) chez Favi, la suppression de la pointeuse.  » Personne ne fait exprès d’arriver en retard. Si on sanctionne, c’est une injustice « , relève-t-il, tout en indiquant qu’avec l’arrêt des badgeuses,  » nous avons gagné une demi-heure de fabrication « . Enfin, un autre volet caractérise le management du directeur d’usine.  » La confiance rapporte plus que le contrôle « . Et de préciser que les éventuels abus de l’absence de contrôle ne coûtent rien en regard du coût des contrôles. Et de conclure :  » Nous avons choisi de libérer la production des contraintes des improductifs  » pour libérer l’entreprise en somme.

 » La confiance rapporte plus que le contrôle  »
Jérôme MEYRAND - Rédacteur en chefFormé aux microtechniques, devenu journaliste en blouse bleue, passé par l’ESJ Lille.
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