Un microscope français qui fait parler la matière
Conçu par la jeune entreprise lyonnaise Ablatom, l’Ablascan utilise la spectroscopie LIBS pour analyser en temps réel la composition chimique des matériaux. Compact et automatisé, il promet de rendre accessible une technologie jusqu’ici réservée aux laboratoires spécialisés.
Il est décrit comme étant le premier microscope élémentaire par LIBS (laser-induced breakdown spectroscopy ou spectrométrie sur plasma induit par laser) intelligent capable d’analyser en temps réel la composition chimique d’un matériau, de manière fiable, automatisée et directement sur site. Fruit de 15 ans de R&D, Ablascan révèle « l’invisible », soit la signature chimique des matériaux critiques, ceux qui sont utilisés dans le cadre de la transition énergétique.
« Avec Ablascan, nous plaçons l’analyse élémentaire au cœur de la compétitivité industrielle », insiste Florian Trichard, président et cofondateur d’Ablatom (avec le professeur Vincent Motto-Ros), l’entreprise qui a conçu ce microscope français. Il présente son instrument comme un « véritable scanner de la matière ». Et de précise qu’il voit « ce que l’œil et certaines méthodes classiques ne voient pas ». Mais pour son concepteur, il ne s’agit pas seulement d’un outil scientifique : « C’est un instrument de souveraineté. Il contribue à bâtir une France et une Europe capable de produire, recycler et innover sans dépendre des autres. »
En avant-première au CES de Las Vegas
Présenté en avant-première au CES 2025 de Las Vegas, le grand raout mondial de l’électronique grand public, Ablascan vient, selon M. Trichard, démocratiser une technologie jusqu’ici réservée aux laboratoires disposant d’un haut niveau d’expertise : la spectroscopie LIBS, utilisée notamment par la Nasa pour analyser les roches martiennes. Cet appareil compact, automatisé et assisté par intelligence artificielle, peut procéder jusqu’à un million de mesures chimiques en 15 minutes, « contre plusieurs heures avec les techniques traditionnelles », assure-t-on au sein de cette jeune pousse fondée à Villeurbanne (Rhône) en 2017. Ablascan est capable de fournir en temps réel des cartographies chimiques haute résolution, surtout « exploitables sans expertise particulière ».

Ce microscope intelligent met la chimie à portée de main : en quelques minutes, il révèle la composition des matériaux, des métaux aux alliages complexes, jusque-là accessibles seulement à des laboratoires spécialisés.
La technologie LIBS est une technique d’analyse entièrement optique qui révèle la composition chimique de tout état de la matière (solide, liquide et gaz) en seulement quelques millisecondes. Son principe consiste à focaliser une impulsion laser très brève afin d’échantillonner une fraction de matière qui va conduire à la formation d’un plasma. « L’analyse des émissions optiques de ce plasma va permettre de détecter, d’identifier, de cartographier, de quantifier les éléments chimiques constitutifs de la matière », décrit Ablatom, dont l’origine de sa création repose sur la conception et le développement de microscopes et systèmes d’analyse chimique reposant sur cette technologie.
Détecter l’ensemble des éléments chimiques du tableau périodique
Florian Trichard, docteur en chimie, cite les principaux avantages compétitifs de son microscope, capable d’échantillonner, d’exciter et de détecter en un seul processus, de révéler quasi instantanément la composition chimique de la matière, de détecter l’ensemble des éléments chimiques du tableau périodique incluant les éléments légers, et enfin de cartographier de grandes surfaces à l’échelle micrométrique. Une prouesse, mais qui a pu être accomplie grâce à sa vitesse d’analyse record, « dix à cent fois plus rapide que les instruments conventionnels », assure l’entreprise, et une polyvalence totale, citant sa capacité à réaliser une analyse élémentaire complète, tous types de surfaces et de matériaux, du lithium aux alliages complexes. Ablatom met également en avant sa simplicité d’usage avec son mode plug-and-play, qui ne nécessite aucune préparation d’échantillon complexe, grâce à un système sur-mesure et une automatisation de traitement des données.
Pour le cofondateur d’Ablatom, ce nouveau microscope met ainsi la spectroscopie LIBS à la portée de tous (techniciens, chercheurs, industriels, laboratoires), contribuant à la souveraineté de la France et de l’Europe. Lithium, nickel, cobalt, cuivre et autres terres rares, ces matériaux critiques sont indispensables à la transition énergétique, à la mobilité électrique, à la défense et à la sécurité nucléaire. Leur approvisionnement est soumis à des tensions géopolitiques, des risques de pénurie et une dépendance croissante vis-à-vis des marchés étrangers. Savoir où ils se trouvent, en quelle quantité et comment les exploiter durablement est alors devenu un véritable enjeu de souveraineté. Jusqu’ici, les instruments capables d’analyser la composition de la matière étaient lourds, coûteux et réservés à quelques laboratoires spécialisés. Avec l’Ablascan, la spectroscopie LIBS, jusqu’ici confinée aux laboratoires spécialisés, se rapproche désormais des sites de production et de recherche, élargissant ainsi son accès sans bouleverser les pratiques établies.
Usages industriels
Applications potentielles du microscope de spectroscopie sur plasma induit par laser Ablascan.
- Énergie et batteries : il cartographie la répartition du lithium et détecte les défauts de fabrication pour améliorer la performance et la sécurité des batteries
- Recyclage : il identifie en quelques minutes les métaux critiques et terres rares dissimulés dans les déchets industriels, accélérant leur valorisation
- Nucléaire : il détecte la fragilisation des alliages pour garantir la sûreté des installations
- Métallurgie et aéronautique : il contrôle la qualité et la traçabilité des alliages à haute performance
- Géosciences : il révèle la composition des roches, minerais et sédiments directement sur site, favorisant une exploitation plus raisonnée des ressources.