Décarboner la sidérurgie, c’est possible ?

Et si en remplacement de gaz naturel ou d’autres combustibles carbonés, on utilisait l’hydrogène dans les process sidérurgiques ? Alors que l’industrie sidérurgique mondiale est l’une des dernières grandes industries consommatrices de charbon, l’utilisation d’hydrogène en complément ou remplacement des combustibles classiques fait justement l’objet d’études. C’est ce que révèle Alcimed, une société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés, qui étudie le potentiel de l’hydrogène combustible dans cette industrie particulièrement énergivore.
Déjà, des solutions alternatives se développent, prévient Alcimed, comme la production de fer pré-réduit (plus connu sous le nom de DRI ou Direct Reduced Iron), qui n’a pas besoin de charbon. La production de DRI consiste en la simple réduction du métal, une opération qui nécessite uniquement l’utilisation de gaz réducteurs chauds, comme le monoxyde de carbone, l’hydrogène, ou un mélange des deux.
C’est justement l’utilisation d’hydrogène pour la production de DRI qui est regardé de près. Outre-Atlantique, le sidérurgiste Midrex (inventeur du procédé qui porte son nom), dont la part de production de DRI approche les 60 % dans le monde, utilise un process à base de syngas, un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène. En Europe, l’entreprise autrichienne Voestalpine, qui produit également du fer pré-réduit à partir de syngas, a obtenu l’autorisation de construire la plus grande usine mondiale de production d’hydrogène vert à Linz, souligne l’étude d’Alcimed. Et d’affirmer que cette installation d’électrolyse permettra de produire de l’hydrogène décarboné, uniquement à partir d’eau et d’électricité d’origine renouvelable.
Enfin, il faut se rendre en Suède, chez Hybrit, qui est « probablement celle qui va le plus loin dans le développement de la filière hydrogène pour la production de DRI ». En effet, l’entreprise, qui est le regroupement des trois sidérurgistes SSAB, LKAB et Vattenfall visant à « révolutionner la production d’acier », mène actuellement un projet pilote uniquement avec de l’hydrogène comme gaz réducteur. Cette phase s’achèvera en 2025 avant le lancement d’essais sur des installations de démonstration entre 2025 et 2035.
Selon Alcimed, à ce jour seuls 4 % de la production sont réalisés par électrolyse, une infime partie de l’hydrogène produit au niveau mondial est donc non carbonée, selon que l’électricité utilisée est produite à partir d’une source renouvelable ou non. « L’intérêt de l’hydrogène industriel étant de décarboner l’activité, l’origine de sa production est l’enjeu primordial », assure la société de conseil.
Pour Jakub Rams, manager au sein de la business unit « énergie, environnement et mobilité » chez Alcimed, « l’argument technique et écologique de l’hydrogène ne peut suffire face à l’aspect économique, déterminant pour les industriels », nuance-t-il. Car « son coût, même en incluant l’impact des taxes carbone, est encore loin de rendre la molécule compétitive ». Le chemin est encore long.