Un bras robotique imite la main du chirurgien
La société américaine Vicarious Surgical ambitionne de lever les limitations des plateformes robotiques traditionnelles avec une architecture biomimétique miniaturisée, combinant dextérité chirurgicale, compacité opérationnelle et réduction des risques périopératoires.
La chirurgie assistée par robot est en passe de connaître une nouvelle inflexion technologique. Avec le développement d’un dispositif à incision unique, la société américaine Vicarious Surgical propose une rupture dans le domaine des systèmes robotisés mini-invasifs. Labellisé par la FDA dans le cadre du programme « Breakthrough Devices », ce robot chirurgical offre une cinématique biomimétique intégrale et une instrumentation sensorisée en mesure de restituer les gestes du chirurgien avec un degré de liberté et de précision encore inégalé.
Un bras anthropomorphique à 9 degrés de liberté
La spécificité du robot réside dans son architecture mécanique inspirée de l’anatomie humaine. Chaque bras robotisé est doté de 9 degrés de liberté, permettant une restitution complète des mouvements du membre supérieur (épaule, coude et poignet). À cela s’ajoute une vision stéréoscopique à 360° et une instrumentation motorisée intégrant 28 capteurs miniatures pour la mesure des forces, des positions angulaires et de la vitesse articulaire à l’intérieur de la cavité abdominale.
Conçu pour des procédures sous un seul trocart (méthode opératoire où les instruments sont introduits dans le corps à travers des tubes appelés trocarts) de 15 mm, l’endoscope et les instruments articulés sont insérés conjointement à travers une seule voie d’abord, réduisant drastiquement le traumatisme pariétal. Le premier usage visé est la réparation de hernies ventrales par pose de prothèse en maille sous contrôle robotisé, avec suture et fixation dynamique intégrée.
Réduction des complications post-opératoires
Les bénéfices cliniques annoncés incluent une diminution significative du taux d’infection (lié à la réduction du nombre de ports), une récupération fonctionnelle accélérée, une baisse de l’intensité douloureuse post-opératoire et une réduction des durées d’hospitalisation. Le système vise également à limiter l’usage des antalgiques opioïdes, grâce à une approche minitraumatique, enjeu majeur dans la prévention des addictions post-chirurgicales.
La compacité du dispositif autorise son usage en salle opératoire standard, sans nécessiter de salle dédiée ni travaux d’infrastructure, contrairement à certaines plateformes concurrentes. L’objectif affiché : démocratiser la robotique chirurgicale dans les hôpitaux de taille moyenne et dans les établissements à faible volume opératoire, y compris en zones rurales.
Ergonomie intuitive
L’un des freins majeurs à l’adoption des systèmes robotiques actuels reste leur complexité d’apprentissage. En répliquant les gestes chirurgicaux classiques de la chirurgie ouverte, le robot de Vicarious Surgical entend réduire la durée de formation. L’interface homme-machine, immersive, offre un environnement 3D en vision directe, avec contrôles manuels via une console, facilitant la transition depuis la laparoscopie conventionnelle, c’est-à-dire la création d’une petite incision par laquelle on introduit une caméra, laparoscope.
Pour soutenir son développement industriel, Vicarious Surgical a finalisé une opération de fusion avec la société d’acquisition spécialisée D8 Holdings. L’opération, valorisée à 1,1 milliard de dollars (0,93 milliard d’euros), a permis une levée de fonds de 220 millions de dollars (187 millions d’euros), incluant un PIPE (private investment in public equity) de 142 millions de dollars (121 millions d’euros). Ces fonds sont alloués aux jalons de développement produit et à la préparation de la soumission réglementaire à la FDA, l’agence gouvernementale américaine responsable de la réglementation des dispositifs médicaux.
Évolutions instrumentales
La société, basée à Waltham (Massachusetts), emploie actuellement 125 personnes et prévoit plusieurs centaines de recrutements à moyen terme, dans une région déjà structurée autour des technologies biomédicales. Elle est dirigée par les fondateurs, à savoir Adam Sachs, son PDG et Barry Greene, conseiller clinique.
Si la première indication visée reste la réparation de hernie, les caractéristiques du robot – notamment son accès multidirectionnel dans la cavité abdominale et sa miniaturisation – laissent entrevoir une transposition vers d’autres indications, notamment en chirurgie digestive, gynécologique ou oncologique. L’architecture modulaire de la plateforme pourrait également se prêter à des évolutions instrumentales pour répondre à des actes plus complexes.
Dans un secteur encore largement dominé par des acteurs historiques, Vicarious Surgical mise sur une stratégie disruptive, à la fois clinique, économique et technologique. La prochaine étape : l’obtention du marquage FDA pour mise sur le marché, prévue à horizon 2026.