Usine du futur : vers une révolution des compétences ?

Une étude prévisionnelle de l’Observatoire paritaire de la métallurgie montre que le mouvement des entreprises vers l’industrie du futur générera des besoins naturellement plus forts sur de nouvelles compétences par rapport à des métiers traditionnels. Mais que cela nécessitera aussi une transformation des métiers existants.

Dans l’une de ses dernières études, l’Observatoire paritaire de la métallurgie dresse sa cartographie des emplois, des compétences et des formations de l’industrie du futur. Réalisée en partenariat avec le Comité stratégique de filière solutions industrie du futur, elle a été dévoilée en juillet dernier.

Alors que la quatrième révolution industrielle pousse les entreprises à digitaliser leurs ateliers, y trouvant un moyen d’adapter en temps réel leur production, ces évolutions technologiques se sont toujours appuyées sur les compétences historiques de l’industrie sans lesquelles elles ne sont pas déployables, constate l’observatoire financé par l’opérateur de compétences interindustriel Opco2i. Et cette étude vient répertorier « l’ensemble des besoins métiers et compétences nécessaires au mouvement actuel, tant pour les nouveaux besoins que les besoins qui doivent perdurer pour l’accompagner ».

Compétences d’organisation et de management

Le document fait le constat suivant : le développement de l’industrie du futur repose essentiellement sur des entreprises de la branche professionnelle de la métallurgie qui sont à la fois créatrices et utilisatrices. On dénombre environ 32 000 entreprises qui vont concevoir, produire et commercialiser les outils et solutions industrielles intelligentes, employant 500 000 salariés, selon les données du contrat stratégique de filière Solutions industrie du futur.

Quant aux utilisateurs de ces technologies de l’industrie du futur, il s’agit de tous ceux issus des branches industrielles désireux d’intégrer ces outils et solutions intelligentes pour transformer leurs entreprises et organisations.

En termes de recrutements, l’étude a cherché à établir comment les entreprises envisageaient de se renforcer par domaines de compétences. Il en ressort que 29 % des entreprises envisagent de recruter afin de renforcer leurs compétences d’organisation et de management, tandis que 23 % pour leurs compétences digitales et 25 % pour le déploiement d’applications liées à l’usine du futur. Mais les auteurs de l’étude préviennent que les comportements de recrutement des entreprises sont difficiles à prévoir, « tant les situations individuelles sont variables en termes de volumes, de compléments de compétences à apporter et de délais à tenir », justifient-ils.

« Dimensionner » les besoins

Toutefois, les auteurs se sont donnés à un exercice de projection afin de « dimensionner » les besoins en recrutement directement liés au développement des applications en rappport avec l’industrie du futur, en se basant sur les données des DSN (déclarations sociales nominatives) fournies par l’Insee au 31 décembre 2020. Il en ressort que le développement de l’industrie du futur générera des besoins en recrutement allant de 65 000 à 115 000 personnes dans les trois ans.

Sur un ensemble de métiers en rapport direct avec l’industrie du futur, l’étude a établi un comparatif entre les effectifs actuels et une estimation des besoins liés directement à l’industrie du futur. Ce qui donne pour le métier de data scientists, un état des effectifs qui se situerait entre 6 000 et 15 000 personnes mais qu’il en faudrait entre 3 000 et 8 000 de plus, celui de spécialiste en fabrication additive le rapport est de 4 000-9 000/2 000-5 000, de 500-2000/300-1 000 pour le métier de spécialiste en écoconception, 12 000-25 000/2 500-4 500 pour le métier de responsable supply chain, 8 000-15 000/3 000-5 000 pour celui de conducteur système de production, 50 000-90 000/15 000-22 000 pour le métier de technicien maintenance, et 50 000-80 000/10 000 -15 000 pour celui de technicien bureau d’études. Et de conclure que les besoins sont naturellement plus forts sur de « nouveaux » métiers par rapport à des métiers traditionnels de la branche de la métallurgie. « En effet, les métiers traditionnels seront plus fréquemment accompagnés dans une montée en compétences », analyse l’Observatoire paritaire de la métallurgie.

Assemblage de compétences

Dans leur analyse, les auteurs considèrent que les entreprises doivent s’appuyer sur les compétences existantes, car « l’industrie du futur ne constitue pas un champ entièrement nouveau de compétences », mais que cela demandera « un assemblage différent des compétences qui sont structurellement éclatées dans l’entreprise par l’organisation classique du travail par métiers ».

Ils recommandent aussi aux entreprises d’investir dans des parcours longs. Ils écrivent que « chacun doit systématiquement dépasser le seuil des notions de base et développer un niveau avancé », ajoutant que « cette combinaison de variété et de niveau d’exigence demandera probablement des montées en compétences progressives, sur le temps long ».

Porosité entre les métiers

L’étude démontre qu’une « porosité accrue » s’exercera entre les métiers, car l’industrie du futur créera non seulement de nouveaux liens entre eux, mais aussi de nouvelles proximités, ce qui influencera la gestion des carrières. Mais quand sera-t-il des compétences dites « traditionnelles » de l’industrie métallurgique ? Elles demeureront indispensables pour pouvoir déployer l’industrie du futur, affirment les auteurs de l’étude. Le management, l’ingénierie, les procédés d’industrialisation ou de fabrication constitueront toujours un socle déterminant pour la réussite des entreprises engagées dans ce mouvement vers l’usine du futur, disent-ils.