Lycées professionnels : les pistes de la réforme

Les propositions des quatre groupes de travail, installés par le gouvernement, ont rendu leur rapport. Si l’UIMM exprime sa satisfaction, l’organisation patronale appelle à aller « beaucoup plus loin dans le rapprochement des lycées professionnels avec le monde économique ». Décryptage.

L’UIMM a tenu à saluer, le 8 février dernier, les propositions de réforme des lycées professionnels présentées, le 27 janvier, par Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels. Pour l’Union des industries et métiers de la métallurgie, cette « réforme structurelle de la voie professionnelle », permettra de poursuivre les objectifs suivants : réduire le nombre de décrocheurs, améliorer l’insertion professionnelle et faciliter et sécuriser la poursuite d’études (en particulier entre bac pro et BTS).

Plusieurs pistes de réformes ont donc été élaborées par quatre groupes de travail, qui se sont réunis à partir d’octobre 2022. Et il en est ressortie que ces quatre groupes étaient « unanimes sur le fait qu’il est indispensable d’intensifier significativement le niveau d’accompagnement de tous les jeunes de la voie professionnelle », a souligné Carole Grandjean. Dans le document de 36 pages qu’a présenté la ministre, de nombres propositions ont émergé. Voici ce que la rédaction en a retenu.

Impliquer les familles dans le parcours de formation

Dès le collège : Accompagner l’orientation dès le début du collège par un travail de préparation à l’orientation vers la voie professionnelle, en apportant une information explicite sur les différentes étapes au parcours, les exigences tant scolaires que professionnelles. Le groupe de travail recommande d’inscrire de façon explicite l’horaire dédié pour le parcours Avenir, dans l’emploi du temps des élèves et les exigences tant scolaires que professionnelles. Simplifier les intitulés des diplômes pour une meilleure compréhension par les familles, élèves et professionnels. Constituer des communautés d’anciens élèves, à l’instar des Alumni dans l’enseignement supérieur, au sein des lycées professionnels.

Vivre sa scolarité en lycée professionnel : Valoriser les concours type MOF (meilleur ouvrier de France) et WorldSkills, développer l’engagement des élèves et des apprentis durant leur formation de manière à ce qu’ils renforcent la confiance en leurs compétences scolaires et professionnelles. Exploiter l’expérience de l’apprenti, les réussites et les échecs pour en tirer des enseignements. Impliquer les familles dans le parcours de formation pour augmenter l’adhésion. Faire vivre aux élèves de lycée professionnel des expériences de mobilité (géographique, internationale), de manière à ce qu’ils développent leur autonomie, leur confiance et leur engagement.

Elève en situation de décrochage : En cas de mauvaise orientation, proposer des stages courts dans d’autres filières pour que l’élève teste autre chose, accompagner le droit l’erreur, organiser, de façon impérative, un tutorat fort pour les élèves dont le parcours est fragilisé, mettre en place un parrainage avec des chefs d’entreprises, ritualiser des temps formels et informels pour accompagner l’élève dans son parcours.

Un label pour les entreprises qui accueillent des jeunes

Découverte du monde professionnel : Ouvrir la possibilité de ministages avec l’appui des chambres consulaires CCI (industrie) et CMA (artisanat) pendant les périodes scolaires. Mettre en place un outil numérique de suivi, l’augmentation de la durée des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) n’est pas souhaitable parce qu’elle sera difficile à mettre en œuvre. En mars 2022, le président de la République Emmanuel Macron avait fait la proposition d’augmenter de 50 % la durée des stages en entreprises, mais face à la forte opposition des enseignants dans les lycées professionnels, il a dû renoncer à cette idée. Le groupe de travail souligne toutefois qu’il est possible de voir dans quelle mesure cette durée pourrait être modulée, selon le projet du jeune (poursuivre des études à l’issue du baccalauréat ou s’insérer professionnellement). Supprimer la contrainte des trois semaines consécutives dans la planification des PFMP, prévoir dans l’organisation pédagogique des phases de préparation aux PFMP et d’exploitation (sas à envisager lors du retour des PFMP). Créer des temps réguliers de travail entre enseignants et professionnels des entreprises accueillant les élèves. Identifier des référents entreprises dans chaque lycée professionnel. Associer les familles dans le lien avec les entreprises. Délivrer un label aux entreprises qui accueillent des jeunes en les faisant monter en compétence.

Insertion dans la vie active : Identifier les savoirs et les compétences (culture générale, culture scientifique et technique, savoirs et compétences professionnels) qui permettent aux élèves et aux apprentis des capacités d’adaptation et d’évolution le long de leur carrière professionnelle. Etudier l’opportunité d’une création d’un bachelor professionnel destiné aux étudiants de BTS et qui aurait pour finalité première la préparation à l’insertion professionnelle.

Préparer la poursuite des études : La plateforme Parcoursup pourrait être davantage améliorée pour cibler les élèves de la voie professionnelle, tout en laissant aux bacheliers professionnels la possibilité de poursuivre des études à l’université, les inciter davantage à s’orienter vers des formations professionnalisantes courtes.

Si l’UIMM dit avoir accueilli « favorablement la plupart des propositions issues des groupes de travail », l’organisation patronale regrette toutefois l’absence de propositions pour « impliquer véritablement les entreprises dans la vie des lycées professionnels », soulevant que la réforme sur la transformation de la voie professionnelle de 2019, « qui visait déjà les mêmes objectifs, n’a pas produit les effets escomptés ».
Par ailleurs, l’UIMM appelle à aller « beaucoup plus loin dans le rapprochement des lycées professionnels avec le monde économique ».

Pour l’organisation professionnelle, qui représente 42 000 entreprises industrielles de la métallurgie, la question de la gouvernance de ces établissements, tant dans leur composition, leur présidence que dans leur autonomie, est « stratégique et fondamentale pour garantir l’efficacité de cette réforme progressive, comme en témoigne la réussite du modèle des lycées agricoles, des IUT, ou de la plupart des CFA ».

Malgré une dépense moyenne par élève de 12 740 euros, la voie professionnelle est marquée par un taux d’insertion insuffisant sur le marché du travail (51 % sortent de formation dont 32 % des titulaires de CAP et 45 % des titulaires de bac pro après 12 mois), regrette encore l’UIMM. A cela s’ajoute un absentéisme et un décrochage scolaire plus importants (deux tiers des décrocheurs sont issus de la voie professionnelle), un déficit d’image et des affectations par défaut.

La prochaine étape de la réforme des lycées professionnels passera par des rencontres bilatérales avec les organisations syndicales, puis une présentation aux chefs d’établissement avant des arbitrages au printemps. Mais déjà, l’UIMM considère que cette réforme devra être complétée par « l’engagement rapide et concomitant d’une véritable réforme de l’orientation professionnelle ».