Interview : Gilles Perret, réalisateur du film « Reprise en main »

Interview

« Redonner un peu de valeur aux métiers manuels »

 

Entretien avec Gilles Perret, réalisateur du film « Reprise en main », qui sort en salle mercredi 19 octobre.

« Reprise en main » est la première fiction du réalisateur de documentaires Gilles Perret. Lui-même natif de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, où son film a été tourné, il a souhaité utiliser le cas d’une entreprise de décolletage, une industrie qui est née sur ce territoire de montagnards, pour dénoncer l’emprise des fonds d’investissement sur ces PME au savoir-faire unique, que seuls les salariés et leurs patrons-fondateurs maîtrisent. Déjà encensé par les critiques, le film est à l’affiche mercredi 19 octobre. Dans cet entretien, Gilles Perret explique pourquoi il a souhaité faire ce film, 16 ans après son premier documentaire « Ma mondialisation », qui dénonçait déjà la délocalisation et l’influence des fonds de pension dans les entreprises, qui recherchent avant tout une rentabilité maximale dans des temps records.

Quelle est l’histoire du film « Reprise en main » ?

C’est l’histoire de Cédric, un ouvrier décolleteur qui travaille dans une entreprise, qui a été rachetée quelques années auparavant par un fonds d’investissement. L’entreprise est en train d’être un peu mise dans le mur, parce qu’il n’y a pas d’investissements dans les machines-outils. On comptera un petit peu le personnel. Du coup, il y a une ambiance délétère et Cédric apprend que la boîte va être rachetée de nouveau, une nouvelle fois par la méthode des LBO, qui est bien connue par ceux qui s’intéressent à ces questions de rachat d’entreprises industrielles par des financiers.

C’est, d’une certaine manière, le point tournant du film, puisque la méthode des LBO va redonner de l’espoir à Cédric, qu’il est possible, avec peu d’argent finalement, de racheter son entreprise…

D’où l’idée pour Cédric, aidés par des amis, de monter leur propre fonds d’investissement, en se déguisant en financiers et d’aller piquer la boîte à l’insu des investisseurs. Alors évidemment, cela génère de la comédie parce que, forcément, ils n’ont pas tous les codes.

Un film avec comme toile de fond la vallée de l’Arve, et sa concentration d’entreprises de décolletage, pour la plupart familiales. Et ses montagnes aussi, avec ses habitants qui l’incarnent…

En effet, c’est une histoire qui est très implantée dans la vallée de l’Arve. Avec la culture de la vallée. Il y a de la montagne, il y a de l’escalade, il y a de la fondue, il y a des copains, il y a des bistrots. Et il y à l’usine aussi.

Quel message avez-vous voulu faire passer dans cette première fiction que vous réalisez, après avoir débuté votre carrière dans le documentaire ?

Déjà, c’est d’arrêter avec le climat anxiogène ambiant. On peut faire des films sociaux ou des histoires sociales qui se finissent bien. D’ailleurs, c’est pour ça qu’il y a de l’humour et qu’il y a aussi de l’émotion. Puis, j’ai voulu montrer qu’il y a des beaux métiers dans l’industrie et que l’industrie ça marche encore en France, qu’il y a des gens malins qui font de beaux produits. Dans la vallée, il y a des entreprises qui travaillent pour tous les constructeurs automobiles du monde. Le film est là aussi pour redonner un petit peu de valeur et de crédit aux métiers manuels et ceux que l’on exerce à l’usine, qui sont des métiers à la fois bien rémunérés et qui peuvent être aussi valorisants. Parce que quand on voit ce que sont devenus les métiers dans l’industrie du service comme on dit, ce n’est guère plus enviable que les métiers industriels. Donc, ce film est là pour redonner aussi une image de ces métiers-là, de l’industrie en général, et aussi pour faire voir cette vallée industrielle qui, finalement, est assez peu connue.

En effet, la Haute-Savoie est davantage perçue par le grand public comme un département touristique…

On connaît Annecy, on connaît Chamonix et on connaît Megève, mais la vallée de l’Arve, pas du tout. Même à Annecy, certains ne connaissent pas bien ce qui se passe dans cette vallée. Donc au moins, on la verra sous un autre angle.

Entretien réalisé par Jérôme Meyrand