Industrie : Comment rendre l'industrie mécanique plus attractive
?

C’est en la rendant plus attractive que nous réussirons à réenchanter l’industrie française et en dépoussiérer son image. C’est l’objectif de cette 17e émission de Machines Production. Car il ne faut pas oublier que l’objectif, poursuivi à la fois par les industriels et le gouvernement, est d’embaucher 70 000 jeunes, qu’il faudra bien finir par convaincre que travailler à l’usine est loin d’être « has been ». Et plus de la moitié de ces postes sont à pourvoir dans la métallurgie. Les observateurs assurent que le combat sera gagné que si l’on ouvre l’industrie vers l’extérieur, en montrant concrètement ce qu’on y fait à l’intérieur. Sous l’angle de l’industrie 4.0, peut-on rendre nos usines plus sexy ? C’est ce que nous avons voulu savoir dans MPLE#17.

D’abord, en évoquant la Hexagon Machine Trainer, véritable simulateur de machine-outil que certains centres de formation ont déjà décidé de se doter. Ressemblant à une machine-outil, avec sa commande numérique et sa verrine lumineuse, elle est capable de simuler un usinage dans les mêmes conditions de la réalité, avec les bruits et risques de collisions. Un outil d’apprentissage attrayant pour les jeunes, qui auront ainsi entre les mains un appareil qui s’apparente davantage à ceux qu’ils utilisent dans leur quotidien. Rendant la machine-outil finalement plus ludique qu’elle ne l’est en réalité.

Pour rendre notre industrie plus sexy, quoi de mieux qu’une poussée d’adrénaline sur le terrain d’une grande compétition. Plus grand concours des métiers au monde, la WorldSkills Competition permet « aux meilleurs jeunes professionnels de chaque pays de se mesurer les uns aux autres lors d’épreuves », selon l’organisation de formation professionnelle. L’objet principal étant de valoriser les métiers et l’ensemble des filières de formation professionnelle qui y conduisent.

Cela va des métiers du bâtiment à ceux de l’industrie. Et cette compétition vient donner une « image concrète, vivante et conforme à la réalité des métiers d’aujourd’hui », indique-t-on au sein du comité des WorldSkills en France. « Nos métiers ont besoin d’attractivité, on ne peut pas passer à côté d’un événement qui les valorise autant », soulignait, dans les colonnes de L’Usine nouvelle, Bruno Voland, PDG de TRA-C, président de l’UIMM Lyon-Rhône et vice-président de WorldSkills France.

De l’usage d’une machine-outil simulée à celle, bien réelle, employée dans le cadre d’une compétition valorisant le métier d’usineur, deux solutions qui vont rendre notre industrie encore plus attractive.

C’est à découvrir dans “Machines Production L’Émission”.

Portfolio

Décryptage

Nous recevons trois invités :

Cyril Aujard, directeur général de Hexagon Manufacturing Intelligence

Gilles Battierdirecteur technique de Hexagon Manufacturing Intelligence

Philippe Piaton, référent régional industrie à l’UIMM pour les WorldSkills

Sur notre plateau, ils évoquent :

  • Comment changer le regard sur l’industrie grâce aux WorldSkills
  • Un simulateur de production pour rendre l’industrie plus attractive
  • Le numérique omniprésent dans l’usine du futur

La compétition des WorldSkills regroupe seize métiers de la métallurgie, allant de tourneur, fraiseur, à intégrateur robotique, en passant par le métier de programme sur CAO. Il s’agit d’une compétition européenne (EuroSkills) et mondiale (WorldSkills), qui passe par des phases de sélections : régionales puis nationales. Les candidats usineurs doivent réaliser deux pièces métalliques, à partir d’un plan, une pièce en acier, une autre en aluminium.

Mais cette compétition est-elle parvenue pour autant à changer le regard des parents, et du public plus largement, sur l’industrie de la mécanique et ce qu’on y fait à l’intérieur de ses usines ?

« En France, la compétition régionale est souvent adossée à des forums et salons des métiers, répond notre invité, Philippe Piaton, référent régional industrie à l’UIMM pour les WorldSkills. Cela permet aux visiteurs de voir en situation réelle des jeunes pratiquer leur futur métier. Et de mieux comprendre ce qu’on y fait à l’intérieur des usines. Car, nous rencontrons de grandes difficultés à faire comprendre aux gens ce qu’est l’industrie au juste, car c’est une activité tellement large. »

« Ça donne le frisson quand on voit une compétition avec tous ces jeunes qui expliquent leur métier. C’est magnifique »

En compétition, les jeunes sont très motivés, et surtout ils se préparent comme les athlètes avant les Jeux olympiques. Rappelons que les Olympiades des métiers est l’ancien nom des WorldSkills. « C’est comme une potion magique, une fois qu’on a goûté aux WorldSkills, on n’en sort pas », admet M. Piaton. « Ça donne le frisson quand on voit une compétition avec tous ces jeunes qui expliquent leur métier. C’est magnifique », s’emporte-t-il. A travers la compétition, ces jeunes deviennent de véritables ambassadeurs de leur métier. « Il n’y a rien de tel qu’un jeune qui parle de son métier à un autre jeune », dit Philippe Piaton.

Lors de la dernière compétition mondiale, l’équipe de France s’est placée cinquième sur 46 équipes. « C’est la première fois qu’on obtient ce résultat », souligne notre invité. En 2022, la France terminait donc devant la Chine, la Corée du Sud, le Japon et Taïwan. « On a battu des Allemands, il faut le dire aussi, ajoute M. Piaton, sur le plateau de MP L’Emission. On a battu les Autrichiens, on a battu pas mal d’autres pays qui sont réputés pour leur industrie et pour leurs métiers. »

Former des futurs pilotes de machines

Pour le simulateur de machines-outils, le projet remonte à 2019. Son concepteur Gilles Battier nous raconte : « J’avais identifié un besoin important de former des futurs pilotes de machines à commande numérique, dû au ramp-up aéronautique, mais également à des départs à la retraite d’experts dans les métiers de l’usinage, et enfin avec la volonté gouvernementale de réindustrialiser la France. Or, former un pilote de machines à commande numérique avec les méthodes traditionnelles de formation, c’est coûteux, c’est difficile et c’est long. » D’où l’idée de Gilles Battier de créer un simulateur, comme ceux que les pilotes d’avions utilisent pour l’entraînement et la formation, afin de pouvoir former des techniciens « plus rapidement », et « de manière sécurisée », en se basant sur une « pédagogie qui associe des outils à la fois numériques et physiques ».

La Machine Trainer, du groupe Hexagon, est équipée des mêmes pupitres opérateurs des machines à commande numérique, qu’il s’agisse d’une CN Fanuc, Siemens ou Heidenhain, de manettes multidirectionnelles pour manipuler les axes et d’alarmes lumineuses. « Nous avons rajouté des simulateurs de sons, de lubrifiant, de copeaux, afin que l’apprenant se sente vraiment immergé comme dans une vraie machine, afin qu’il assimile les boutons, les alarmes et les procédures », explique M. Battier.

« Apprendre de manière un peu plus fun »

Directeur général du groupe Hexagon, Cyril Aujard ajoute que la Machine Trainer est également capable de simuler les machines à mesurer tridimensionnelles, où « le gros intérêt de la simulation 3D et des outils de simulation, c’est que cela nous permet d’apprendre, de manière un peu plus fun, l’utilisation d’une machine de mesure tridimensionnelle », analyse-t-il. Et de poursuivre : « Pour une entreprise, ça permet de tester, d’avérer la compétence des candidats qui postulent, sans devoir mobiliser son moyen de production. »

« Un superbe outil de promotion des métiers »

Mais en quoi un tel simulateur va donner plus d’attractivité à l’industrie ? « On a toujours cette image d’industrie un peu passéiste, répond Cyril Aujard. Aujourd’hui, on voit bien qu’avec toutes les nouvelles technologies, l’industrie 4.0, l’industrie n’est plus celle d’il y a trente ans. En termes de pénibilité au travail, on n’est plus du tout dans le même monde. Désormais, tout outil de production est lié à l’informatique moderne, l’électronique et autres, et avec toute une génération qui est née avec des tablettes, des téléphones mobiles entre les mains. Le simulateur est donc aussi un superbe outil de promotion des métiers. » Car pour le dirigeant de la filiale française du groupe industriel suédois, la Hexagon Machine Trainer va permettre aux jeunes salariés « d’apprendre avec de nouveaux outils informatiques et des technologies de haute qualité », dont ils ne sont pas si éloignés que ça, par rapport aux générations précédentes.

Outil pédagogique, la Hexagon Machine Trainer a été voulue pour être mobile, afin de « pouvoir facilement la déplacer dans un atelier ou même dans une salle de cours, puisque son gabarit permet de la faire passer dans un encadrement de porte », explique Gilles Battier. Car pour son concepteur, il est important que le grand public puisse réellement toucher du doigt les moyens de production utilisés dans les entreprises de mécanique.

« Car nous savons que, aller dans une usine, ce n’est pas forcément simple pour des raisons de sécurité évidentes, argumente-t-il sur le plateau de MPLE. Donc, cette machine, nous voulons la mettre à disposition de l’UIMM ou d’autres organismes, qui veulent faire la promotion des métiers de l’industrie, pour que les familles, les jeunes puissent toucher du doigt ce que c’est que ces machines qu’on utilisent dans les usines. »

Mieux appréhender le numérique

Mais n’allez pas croire qu’un tel simulateur se destine qu’aux jeunes générations. Puisque, selon M. Battier, Guillaume Faury, le président d’Airbus, s’est montré très intéressé. Pour un public de salariés, plus âgés cette fois-ci, « qui ont un petit peu plus de mal à aller vers l’industrie 4.0 », la Machine Trainer du groupe Hexagon va leur permettre de mieux appréhender le numérique. Et ainsi, la boucle générationnelle est bouclée.

Reportage

Notre reportage nous entraîne dans un centre de formation, près de Nantes (Loire-Atlantique), où la Hexagon Machine Trainer est devenue un nouveau moyen de formation, au sein de JVMA, une usine-école 4.0. Un établissement qui met à disposition de ses élèves des moyens techniques pour la formation continue autour de la thématique de l’industrie du futur. Et une telle machine, « s’intègre pleinement dans notre démarche », témoigne Cyril Kouzoubachian, directeur de la Jules-Verne Manufacturing Academy (JVMA). La Fab’Academy nantaise, le pôle formation de l’UIMM, utilise également le simulateur d’usinage pour ses apprentis. Mais aussi « dans le cadre de recrutement d’opérateurs pour vérifier leur aptitude à conduire des machines d’usinage à travers l’enregistrement de la session d’utilisation », explique Franck Louerat, responsable ingénierie usinage et bureau d’études à la Fab’Academy. Une machine qu’il apprécie parce qu’elle permet « un apprentissage avec droit à l’erreur », car il n’y aura aucun risque de casser un outil ou une broche, par exemple. Et de relever qu’avec la Hexagon Machine Trainer, « on peut appréhender le tournage, le fraisage ainsi que le contrôle dimensionnelle ». Du trois en un qui permet donc de faire quelques belles économies.

Intervenants

Portfolio

Cyril Aujard

GROUPE HEXAGON

Directeur général

Portfolio

Gilles BATTIER

GROUPE HEXAGON

Directeur technique

Portfolio

Philippe PIATON

UIMM

Référent régional

Portfolio

Jérôme Meyrand

Machines Production

Rédacteur en Chef

Portfolio

Patrick Cazier

Machines Production

Rédacteur