Electricité : Réduire les coûts dans les ateliers

La flambée des prix de l’électricité est une préoccupation de trop pour les entreprises de mécanique, déjà touchées par les délais d’approvisionnement en matière première, la pénurie de main-d’œuvre, notamment. En effet, la crise énergétique frappe de plein fouet toute l’industrie.  Sur le marché, le prix de gros du mégawattheure se situe actuellement autour de 100 euros alors qu’il n’était que de 42 euros en 2019. Et les cotations futures ne vont pas en s’arrangeant, puisqu’on parle de 600 à 1 000 euros le mégawattheure en 2023.

Pour cette 16e émission de Machines Production, nous nous intéressons à la dépendance des mécaniciens à l’énergie électrique. Avec nos experts en plateau, nous nous sommes interrogés sur les équipements de production les plus énergivores dans un atelier de mécanique. Mais aussi sur les améliorations technologiques qui ont permis de les rendre plus économes en consommation électrique. Vous découvrirez que l’on peut agir sur le process d’usinage pour limiter la consommation électrique de sa machine-outil.

Mais au-delà des moyens de production, n’existe-t-il pas d’autres leviers pour faire davantage d’économies, en prévision de l’hiver ? Eclairage LED, isolation des bâtiments, moteurs électriques plus économes, récupération de la chaleur fatale émise par les équipements… Des pistes d’actions pour réduire sa consommation existent bel et bien.

Il existe également une panoplie d’aides aux entreprises qui doivent faire face à cette crise énergétique. Et des dispositifs viennent également d’être mis en place pour accompagner les industriels qui souhaitent réduire leurs coûts énergétiques. Dispositifs qui ne concernent pas que les entreprises dites « énergo-intensives ».

Enfin, comment transformer cette crise de l’énergie en opportunité ? Comment les entreprises devront-elles s’y prendre pour moins dépendre des coûts de l’énergie ?

C’est à découvrir tout au long de ces 20 nouvelles minutes de “Machines Production L’Émission”.

Portfolio

Décryptage

Nous recevons trois invités :

Viet-Long Duong, directeur de projet économie circulaire et décarbonation au Cetim, le centre technique des industries mécaniques

Antoine Beauvois, chef de mission au sein du comité stratégique de filière les Nouveaux Systèmes Energétiques (NSE)

William Mayance, directeur général de Tungaloy fabricant d’outils coupants

Sur notre plateau, ils évoquent :

  • Les équipements de production les plus énergivores
  • Les pistes d’actions pour réduire sa consommation électrique
  • Les aides financières disponibles
  • Les leçons à tirer de la crise énergétique

Dans les ateliers, ce sont bien évidemment les procédés industriels, tels que la mécanique, l’usinage, le décolletage qui nécessitent le plus d’énergie électrique, qui représentent 40 à 50 % de la consommation d’électricité, souligne Viet-Long Duong, directeur de projet économie circulaire et décarbonation au Cetim, le centre technique des industries mécaniques. Pour la machine-outil, les équipements les plus énergivores sont les systèmes hydrauliques et de lubrification, le mouvement des axes, la ventilation, etc. A noter que l’air comprimé représente entre 10 et 15 % de la consommation d’énergie, tandis que l’éclairage, environ 5 %.

Une norme sur l’efficacité énergétique des machines-outils

Pour réduire la consommation électrique des machines-outils, notre expert préconise la microlubrification, voire l’usinage à sec, quand cela peut être possible. L’utilisation de moteurs électriques à haut rendement de classe IE4 est également souhaité. M. Duong suggère l’installation de systèmes d’extinction automatiques ou de mise au ralenti d’équipements de production ou de sous-systèmes, tels que l’arrosage, la filtration, le refroidissement ou le chauffage d’équipements. Et de rappeler l’existence de la norme Iso 14955-1, laquelle « traite spécifiquement de l’efficacité énergétique des machines-outils dans leur phase d’utilisation, et donc qui reprend un certain nombre de recommandations à la fois organisationnelles, techniques et de conception des machines-outils ».
Au-delà des équipements de production, sur quels leviers les mécaniciens peuvent-ils agir pour réduire la consommation électrique dans leurs ateliers ? L’éclairage, par exemple, répond Viet-Long Duong, en basculant de l’éclairage historique aux néons ou lampes mercure, vers le LED ou des lampes au sodium haute pression.

« On peut aussi travailler sur la récupération de la chaleur fatale émise par les équipements, et la valoriser, soit pour préchauffer d’autres éléments, soit pour produire de l’électricité », conseille le directeur de projet économie circulaire et décarbonation au Cetim.

Et d’ajouter la possibilité de « mettre en cascade certains équipements de production, soit de chaleur, soit d’air comprimé, soit de froid. Le principe : optimiser le rendement de ces équipements-là en les utilisant au maximum de leur capacité. »

L’outil coupant pour réduire la consommation électrique des machines

Agir sur l’outil coupant pour moins consommer d’électricité sur sa machine-outil, c’est l’une des pistes évoquées par William Mayance. Le directeur général de Tungaloy France, un fabricant japonais d’outils coupants, offre des solutions qui vont permettre aux usineurs de jouer sur la productivité : « Produire une pièce en moitié moins de temps, c’est autant d’énergie qui n’est pas consommée pour produire, dit-il sur le plateau de Machines Production TV. On va également proposer, grâce à de nouvelles technologies d’outils, des stratégies d’usinage qui vont consommer moins d’énergie au niveau des broches des machines-outils. » Et l’autre stratégie évoquée par M. Mayance repose sur la conception des outils. Objectif : limiter les arrêts machines par des changements rapides de plaquettes ou d’outils. « Et tout ça cumulé, on peut arriver à plus de 75 % de gain d’énergie pour la fabrication de pièces », résume le directeur général de Tungaloy France.

Décarbonation : des apporteurs de solutions recensés sur une plateforme

Du côté des Nouveaux systèmes énergétiques (NSE), un comité stratégique de filière, l’action « Je décarbone » se décline en deux leviers, nous dit Antoine Beauvois, chef de mission NSE. Une plateforme en ligne qui a été lancée, cet automne, en direction des « émetteurs de besoin de décarbonation et/ou d’économie d’énergie ». Elle référence plusieurs centaines d’entreprises (550 à ce jour) qui proposent « des solutions techniques ou méthodologiques publiques et privées pour la décarbonation et les économies d’énergie ». Et parmi lesquelles, le système de pilotage de la consommation énergétique. Il s’agit, plus concrètement, de systèmes numériques qui permettent de mesurer, d’analyser et d’optimiser la consommation d’un équipement et d’une machine.

« C’est doublement intéressant, analyse M. Beauvois, parce que cela permet aussi de faire un diagnostic de la consommation des appareils et donc de choisir quand est-ce qu’on va solliciter la machine, et même éventuellement de voir si une machine n’est pas du tout efficace, et donc envisager de la remplacer. »

Une prime pour faire baisser sa facture électrique

Si les entreprises industrielles les plus énergivores ont eu droit à des aides de l’Etat, dans ce contexte de crise énergétique sans précédent, quand est-il des PME et TPE, qui restent, malgré tout, impactées ? Pour les entreprises de taille intermédiaire, comme pour les PME, l’Etat devrait prendre en charge une partie de la facture électrique, avance Antoine Beauvois, qui évoque une prime d’un montant entre 15 et 70 euros le mégawattheure, « mais à partir d’un certain seuil dépassé ».

Notre expert au sein du comité stratégique de filière NSE parle également d’aides, notamment régionales, à la décarbonation, quand il s’agit, pour une entreprise, d’investir dans des énergies bas carbone alternatives.

En matière de financement, Viet-Long Duong rappelle l’existence du dispositif « Decarb-Flash » qui permet d’accompagner les industriels, en mettant en place « des systèmes de mesurage » ou qui souhaitent investir dans le but de réduire leurs factures énergétiques. Des projets d’isolation des bâtiments industriels peuvent aussi bénéficier d’aides. M. Duong évoque également les prêts verts de la banque publique d’investissement Bpifrance et la prime CEE (certificat d’économie d’énergie), que les entreprises de mécanique peuvent demander, notamment pour « tout ce qui est compresseurs à vitesses variables, moteurs IE4, éclairages LED, systèmes de mesurage, destratificateurs d’air », énumère notre expert du Cetim.

Réduire son empreinte carbone avec ses outillages

Chez le japonais Tungaloy, la neutralité carbone repose sur trois piliers : offrir des produits qui réduisent les déchets générés par les opérations d’usinage, mais aussi la consommation électrique des machines et la réduction des émissions de CO2 de ses usines de fabrication d’outils coupants. « Nous vendons du consommable, donc à nous de limiter cette consommation, explique William Mayance. Notre objectif, c’est que nos clients consomment de moins en moins de produits, ce qui paraît paradoxal. » Cela se passe dès la conception des outils. « En développant nos produits, nous jouons sur différents aspects, comme la réduction de la taille de l’outillage : à performances égales, on peut travailler avec des plaquettes en carbure de tungstène qui sont plus petites. » Et d’annoncer jusqu’à 40 % de réduction des déchets. Il est également question de « maximiser les arêtes de coupe ». Et, « à volume égal, on peut multiplier par deux, voire par trois, les arêtes de coupe d’une plaquette, donc on diminue d’autant les déchets après utilisation », souligne le directeur général de Tungaloy France.

Au lieu d’utiliser des outils monobloc, l’autre piste est l’utilisation de corps d’outils à tête interchangeable ou à plaquette. « Et là, ce sont plus de 80 % des déchets qui vont être réduits », affirme M. Mayance.

Tungaloy vise la neutralité carbone

Au Japon, les cinq sites de production sont tous certifiés Iso 14001. Le fabricant s’est engagé d’atteindre la neutralité carbone en 2050, et promet de « réduire de 46 % ses émissions de CO2 en 2030 par rapport à une année de référence qui est celle de 2013 », indique William Mayance. L’utilisation de l’énergie renouvelable est l’un des moyens employés pour y arriver. Le site de Nagoya ne fonctionne qu’avec des énergies renouvelables. Les toits de l’usine principale d’Iwaki sont recouverts de panneaux électriques. « Cela permet de réduire de 82 tonnes par an nos émissions de CO2, assure M. Mayance. C’est 170 mégawattheures produits par an en électricité. »

Dans le cadre de ses pratiques durables, la firme japonaise a travaillé sur l’emballage de ses outils, en « éliminant les matériaux non recyclables par du recyclable ». Jusqu’au service marketing, dont « les brochures sont maintenant imprimées sur du papier fabriqué à partir de tiges de bananier recyclées », signale notre expert en outils coupants.

Pour Viet-Long Duong, du Cetim, les industriels se positionnent davantage sur les énergies renouvelables, « soit pour pouvoir afficher un verdissement de leur approvisionnement en énergie, soit pour davantage sécuriser son approvisionnement en énergie par la production interne à l’entreprise, ou locale, voire territoriale, de manière à sécuriser à la fois l’approvisionnement en énergie renouvelable et le tarif d’achat de cette énergie-là ».

Panneaux solaires et pompes à chaleur

La production d’énergies renouvelables sur site peut se matérialiser par l’utilisation de pompes à chaleur, ce qui va permettre de « réduire d’un facteur trois la consommation d’énergie par rapport à une chaudière gaz, et donc à décarboner cette énergie-là », explique M. Duong, sur le plateau de MPLE. Lequel a également pu constater, lors de ses missions de conseil, une volonté des chefs d’entreprise d’installer des panneaux photovoltaïques, tout en se demandant si cette installation permettra de « couvrir au moins en partie leur consommation d’énergie ».

« Il faut réfléchir à la manière dont on achète l’énergie », enchaîne Antoine Beauvois, des Nouveaux systèmes énergétiques. Et d’évoquer la possibilité de faire appel aux collectivités territoriales, en mutualisant cette ressource énergétique provenant de panneaux photovoltaïques, type fermes solaires. » Des idées et des solutions qui peuvent se faire jour lors des ateliers « IDécarbone », pilotés par les Nouveaux systèmes énergétiques, qui vont s’organiser partout sur le territoire. Le but étant de faciliter les mises en relations entre équipementiers, intégrateurs, conseillers en décarbonation avec les entreprises cherchant à réduire leur empreinte carbone. « Avec les ateliers IDécarbone, on regarde les spécificités de la région, on regarde les spécificités des filières industrielles et à partir de là, on vient avec les bons acteurs de la décarbonation française », résume Antoine Beauvois.

Intervenants

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Viet-Long Duong

CETIM

Directeur de projet

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Antoine Beauvois

NSE

Chef de mission

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William Mayance

TUNGALOY FRANCE

Directeur général

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Jérôme Meyrand

Machines Production

Rédacteur en Chef

Portfolio

Patrick Cazier

Machines Production

Rédacteur