La généralisation de l’impression 3D n’est pas encore pour tout de suite
L’industrie a été lente à adopter la technologie 3D pour la production en série bien que celle-ci ait un potentiel énorme. Elle a été freinée par l’impossibilité de faire de grands volumes mais connaît des progrès rapides que ce soit en termes de matériaux ou de caractéristiques techniques des imprimantes 3D (meilleure vitesse, qualité supérieure, etc.).
Xerfi-Precepta a publié une étude approfondie sous le titre : « Le marché de la fabrication additive à l’horizon 2025 – Industrialisation, nouveaux marchés, nouvelles applications : quels leviers et perspectives de croissance pour les acteurs ? ». Trois questions à Damien Callet, chargé d’études.
Quel état des lieux dressez-vous de la fabrication additive ?
Le marché mondial de la fabrication additive devrait représenter un chiffre d’affaires de 9,5 milliards d’euros en 2019, soit une hausse de 20 %, d’après nos premières estimations. Et la forte croissance observée ces dernières années se confirmera puisque les revenus issus des ventes d’imprimantes 3D, d’intrants et de services (impression à la demande, conseil…) bondiront encore de presque 20 % par an en moyenne pour s’établir à 28 milliards d’euros en 2025, selon nos prévisions. Cette méthode de production de pièces en 3D entre en réalité dans l’ère de l’industrialisation. La récente accélération des investissements en témoigne, à l’instar de la création par Safran d’un campus dédié à la fabrication additive ou du soutien de Dassault au programme Aeroprint. Cette technologie compte aujourd’hui trois marchés phares en tête desquels l’industrie aérospatiale, qui fait figure de pionnière de l’impression 3D, le secteur de la santé, pour fabriquer des prothèses auditives ou dentaires, et l’industrie automobile pour la production de pièces en série destinées notamment à des modèles haut de gamme.
La filière française est-elle armée face aux défis à relever ?
Alors que se profile le défi de l’industrialisation, la filière française de l’impression 3D semble mal armée, en particulier face aux géants mondiaux du secteur tels que Stratasys, 3D Systems ou encore EOS. En réalité, l’Hexagone accuse un retard considérable. D’abord, les fabricants français d’imprimantes 3D sont encore très peu nombreux. Ensuite, ils sont surtout positionnés sur le segment grand public, peu porteur contrairement à l’impression professionnelle. Enfin, les acteurs tricolores sont pénalisés par la faiblesse de la demande intérieure, liée notamment à la désindustrialisation du pays. Dotés d’une offre intégrée couvrant à la fois la production de machines d’impression, la fabrication de pièces à la demande ou encore l’édition de logiciels d’impression 3D, deux opérateurs sortent néanmoins du lot : Prodways et AddUp. Pour accroître la visibilité des acteurs français de la fabrication additive et accélérer la diffusion de cette technologie auprès des industriels, les pouvoirs publics ont engagé le plan 3D Start PME, actuellement en phase de test auprès d’une trentaine de petites et moyennes entreprises. Des initiatives locales viennent compléter le dispositif avec, par exemple, le déploiement de régions pilotes pour familiariser les entreprises avec la fabrication additive. La France peut aussi compter sur un vivier de start-up positionnées sur des segments naissants mais à fort potentiel à l’image de Biomodex dans la bio-impression par exemple.
Comment hisser la fabrication additive au rang d’alternative crédible face aux autres méthodes de production ?
Les fabricants n’ont pas d’autre choix que d’augmenter la vitesse de production de leurs équipements pour réduire les délais. Pour leur part, les prestataires de services d’impression investissent déjà dans la modernisation et l’automatisation de leur parc d’imprimantes. Au-delà de l’aéronautique, de la santé et de l’automobile, les spécialistes ont encore de nombreux secteurs à conquérir. A cet effet, ils nouent des partenariats avec des organismes de recherche ou des industriels, à l’image du fabricant AddUp avec Decayeux STI, spécialiste de la transformation des métaux. Pour diversifier ses marchés clients, la croissance externe est également une option. Le fabricant tricolore Prodways, qui a mis la main sur la société Surdifuse L’embout Français, est désormais le leader national du marché de l’embout auriculaire sur-mesure. L’industrie française peut enfin compter sur l’appui des pouvoirs publics qui s’efforcent d’accélérer la diffusion de la fabrication additive comme technologie structurante. Cette méthode de fabrication ne manque en effet pas d’atouts : amélioration des caractéristiques techniques des pièces, gain de temps ou encore réduction des coûts. Pourtant de nombreux freins techniques et économiques subsistent tels que la durée d’impression (plusieurs heures), les problématiques liées au contrôle qualité des produits imprimés ou celles de la propriété intellectuelle ou industrielle. En somme, la généralisation de l’impression 3D n’est pas encore pour tout de suite.